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La Laitière et le Pot au lait Livre VII, fable 9 - Commentaire La Fontaine

Publié le 27/03/2015

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fable

Perrette, sur sa tête ayant un Pot au lait Bien posé sur un coussinet,

Prétendait arriver sans encombre à la ville. Légère et court vêtue elle allait à grands pas;

5     Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile

Cotillon simple, et souliers plats.

Notre laitière ainsi troussée

Comptait déjà dans sa pensée

Tout le prix de son lait, en employait l'argent,

Achetait un cent d'oeufs, faisait triple couvée ;

La chose allait à bien par son soin diligent.

Il m'est, disait-elle, facile

D'élever des poulets autour de ma maison:

Le Renard sera bien habile,

15 S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon

Le porc à s'engraisser coûtera peu de son;

Il était quand je l'eus de grosseur raisonnable

J'aurai le revendant de l'argent bel et bon

Et qui m'empêchera de mettre en notre étable,

20 Vu le prix dont il est, une vache et son veau,

Que je verrai sauter au milieu du troupeau?

Perrette là-dessus saute aussi, transportée.

Le lait tombe; adieu veau, vache, cochon, couvée;

La dame de ces biens, quittant d'un oeil marri

25      Sa fortune ainsi répandue,

Va s'excuser à son mari En grand danger d'être battue. Le récit en farce en fut fait; On l'appela le Pot au lait.

30      Quel esprit ne bat la campagne?

Qui ne fait châteaux en Espagne?

Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,

Autant les sages que les fous?

Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux:

35 Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes:

Tout le bien du monde est à nous,

Tous les honneurs, toutes les femmes.

Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi;

Je m'écarte, je vais détrôner le Sophi;

40      On m'élit Roi, mon peuple m'aime;

Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant:

Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même;

 

Je suis gros Jean comme devant.

Le mouvement intérieur de la pensée et de l'imagination (vers 7 à 21). Noter la souple transition par laquelle La Fontaine glisse de l'apparence extérieure vers le monde intime des pensées de son héroïne («troussée« rime avec «pensée «); il nous fait spectateur du rêve de puissance de Perrette en même temps qu'il établit par l'adjectif possessif «notre« un lien de connivence entre la femme, lui-même (conteur) et nous, ses lecteurs. La pensée de la paysanne bondit d'un projet à l'autre, elle se précipite (verbes d'action, v. 9 et 10) et le poète crée une continuité entre cette 

fable

« LES FABLES DE LA FONTAINE (COMMENTAIRE) Enjeu du texte: un récit prolongé par t1ne_ mé~i~ati()n Voici une fable très célèbre, et précieuse aussi parce qu'elle fait partie des rares pièces dont le personnage central est féminin.

C'est une fable dont le mouvement (le mot est préférable à celui de «construction») est subtil: au récit, d'une grande vivacité et d'une séduction où tout est fluidité, expansion euphorique, succède une méditation où le poète, comme il lui arrive souvent dans les livres VII à XII des Fables, se met en scène, se laisse aller à la confidence (ici goguenarde).

~_récit d!!_ Po!.__é!!i _ _l~i! ('t'~-~~ L-~--~?} La Fontaine nous montre une paysanne au corps et aux pensées agiles, qui court à la catastrophe.

Le mouvement d'une silhouette féminine (vers 1 à 6).

Le début situe vaguement le cadre de la narration: le moment est indiqué par «ce jour­ ÜZ »; le lieu n'est pas décrit; on se trouve dans une campagne au décor absent; la mention du but («la ville») et le nom de «Perette» (avec son suffixe à connotation populaire, mis en valeur par son isolement en début de vers 1 par rapport au verbe «prétendait», v.

3) suffisent à suggérer le cadre rustique.

En revanche, le conteur valorise le «trésor» de la laitière: deux vers pour le seul Pot au lait, avec une construction de la phrase qui installe l'objet de manière très solide ( "sur sa tête / sur un coussinet»: parallélisme des deux compléments circonstanciels).

Cette assise du Pot, «bien posé», contraste avec l'allant du personnage: «légère/ grands pas/ agile».

La Fontaine saisit la fluidité et l'apparence de la silhouette (v.

4 et 6) en procédant par quelques touches, précises mais brèves pour ce qui est du vêtement et de l'allure; sa peinture, légère, donne l'impression d'une femme vive et char­ mante, aperçue en une trajectoire très mobile.

Le mouvement intérieur de la pensée et de l'imagination (vers 7 à 21).

Noter la souple transition par laquelle La Fontaine glisse de l'apparence extérieure vers le monde intime des pensées de son héroïne («troussée» rime avec «pensée»); il nous fait spectateur du rêve de puissance de Perrette en même temps qu'il établit par l'adjectif possessif« notre» un lien de connivence entre la femme, lui-même (conteur) et nous, ses lecteurs.

La pensée de la paysanne bondit d'un projet à l'autre, elle se précipite (verbes d'action, v.

9 et 10) et le poète crée une continuité entre cette vitesse de l'esprit qui projette, et le mouvement allègre du corps qui marche: "diligent» à la rime du vers 11 fait écho, par le son et par le sens, 51. »

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