Devoir de Philosophie

La conscience morale peut-elle définir le devoir ?

Publié le 17/07/2005

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conscience

Nous nommons conscience la capacité de veille, d’attention à la fois au monde et à nous-mêmes (réflexion). En ce sens, la conscience n’est qu’une faculté théorique: elle nous permet de comprendre mais en aucun cas de juger du bon ou du mauvais. Cette seconde capacité est propre à la conscience entendue en un autre sens: celui de conscience morale.
Le devoir désigne l’obligation pour un sujet d’agir d’une manière déterminée, considérée comme moralement ou juridiquement nécessaire. On parle du devoir en général quand on s’attache au fait même d’être moralement contraint ; de devoirs en particulier quand on lie l’obligation à des actions spécifiques. Le devoir est la notion fondamentale de la morale et c’est paradoxalement la plus ambigüe, elle se résume au constat du prescriptif en nous : le prescriptif désigne ce qui doit être tandis que le descriptif désigne ce qui est. Pour définir le devoir qui est le fait d’être moralement contraint , il s’agit de savoir la provenance de cette contrainte : qu’est-ce qui me commande ce que je dois ou ce que je ne dois pas faire ? Il nous faut examiner la candidature de la conscience morale. Dans la mesure où le devoir se formule comme une nécessité d’agir, et que l’action obéit à des règles, il semble que le devoir puisse être défini par la conscience morale. Cependant si le devoir est un commandement universel , la conscience morale est toujours individuelle. Or la vie sociale n’est possible que si les individus obéissent aux mêmes devoirs. On ne pourrait pas alors se référer à la conscience morale pour définir le devoir, il faudrait examiner un autre candidat qui serait l’intériorisation acquise des lois et des interdits. Toutefois peut-on pour autant réduire le devoir qui est le cœur de la morale à cette seule dimension d’éducation sociale ? Nous sommes alors confrontés à ce problème : le devoir peut-il être défini par la conscience morale au risque de rendre impossible la vie sociale ou alors le devoir se réduit à l’intériorisation des interdits sociaux, au risque de perdre toute dimension morale ? 

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« devoir comme ce qui permet le vivre ensemble des hommes.

Si nous pensons le devoir comme ce que nous devonsfaire pour vivre en société, alors la conscience morale ne peut définir le devoir.

Aussi la conscience morale auraitplutôt tendance_ Le devoir peut se définir comme l'intériorisation des interdits sociaux.

En effet sans cette intériorisation des interdits, les hommes vivant dans un état de misère résultant d'une guerre de tous contre tous comme nouspouvons le soute ri avec Hobbes au chapitre XIII du Léviathan .

A l'état de nature, les hommes n'ont de frein que leur propre puissance et sa sachant tous égaux, ils sont poussés à s'attaquer les uns les autres pour mieuxconserver leur vie.

Dans cet état, la vie est misérable solitaire et promise à une mort rapide car il est dénué de loi.Or là où il n'y a pas de lois, il n'ya pas de juste et là où il n'y a pas de juste, tout est permis.

Ainsi avant l'institutiondes lois, on ne peut parler de juste ou d'injuste si bien qu'il n'y a pas de conscience morale.

Ce n'est que lorsque leshommes soucieux de conserver leur vie décident de se départir de leur puissance propre pour le remettre à l'Etatque la vie sociale est possible.

Ainsi le devoir n'est au départ qu'un système de lois promulguées par le Léviathan, etla peur des sanctions terribles auxquelles s'exposent les contrevenants, les fait peu à peu intérioriser.

Ainsi onpourrait penser à rebours que c'est par les principes de la conscience morale que se définit le devoir, alors en faitque tout commence par des interdictions et des ordres (tu dois, tu ne dois pas) qui avec le temps , sont tellementintériorisés par les individus socialisés qu'ils les prennent pour des principes de leur conscience.

Par là on voit que cen'est pas la conscience morale qui explique le devoir, mais c'est le devoir comme obligation forcée qui expliquel'illusion de la conscience morale Le devoir naitrait de l'intériorisation des interdits qui rend possible la vie en société.

Toutefois peut-on pour autantréduire le devoir qui est le cœur de la morale à cette seule dimension d'éducation sociale ? III Le devoir se définit par lui-même comme Vocation _ Le devoir ne peut se réduire à l'intériorisation des interdits sociaux.

Toutes les entreprises de réduction sont plus aisées que les pensées qui s'attachent à la positivité du fait moral en tant que tel.

En effet si l'on reprend l'exempled'Antigone, nous avons vu que les devoirs pouvaient se contredire entre eux.

Si le devoir ne se comprenait quecomme intériorisation de l'interdit social, jamais la conscience d'Antigone n'aurait pu protester devant la loi deCréon.

C'est la preuve qu'une exigence peut s'élever en notre conscience qui n'est ni réductible à la connaissancede ce qui est bien, ni à l'intériorisation d'une loi sociale.

Si le devoir exigé par la loi sociale se heurte à un autredevoir, c'est que le devoir moral n'est pas réductible à du social.

Ainsi si l'on se réfère au rapport au livre d'HannaArendt Eichmann à Jérusalem , nous voyons la déposition d'Eichmann, un fonctionnaire qui a appliqué avec zèle les lois du régime nazi concernant l'extermination des Juifs d'Europe.

Eichmann lui-même, bourreau ordinaire installé dansses bureaux, sait qu'il a cessé d'appliquer un devoir moral lorsqu'il a accepté ce poste, mais il se défend en arguantqu'il n'a fait que son devoir.

Nous sommes alors bien en présence de deux devoirs : l'un qui est une obligationjuridique et sociale, et l'autre qui est une obligation morale.

Or ces devoirs s'excluent réciproquement.

En choisissantde faire son devoir social d'extermination, Eichmann a choisi de négliger son devoir moral qui était de refuser de lefaire.

Et en ce sens il est coupable._ Le devoir est en son essence moral et il ne se définit que par lui-même comme vocation .

Si l'on ne peut avec certitude définir le devoir par une conscience morale qui est toujours suspecte d'être une construction socialerecelant des préjugés, il semble pourtant que l'on puisse pas détruire le devoir en tant que tel, qui est le fait mêmede l'obligation morale irréductible à toutes les réductions.

C'Est-ce que l'on peut soutenir avec Jankélévitch dans le Sérieux de l'intention : « les choses respectables sont relatives et contradictoires, mais le fait de respecter ne l'est pas(…) tel est le Cogito moral : chassez par la porte, il rentre par la fenêtre ou la cheminée ; bouchez toutes lesissues, vous le retrouverez assis à votre table ; il est-ce qui nous suit partout et à quoi nul ne peut échapper ».Indépendamment de tout contenu, nous sommes ramenés au devoir comme le fait même d'une exigenceincompréhensible.

C'est en ce sens que nous pouvons le définir comme vocation, c'est-à-dire comme un appelirréductible à notre seule voix ou à celle de la société.

La vocation est le fait pour moi d'être appelé par quelquechose qui n'est pas moi à devenir ce que je ne suis pas encore, mais que je dois devenir.

Je ne suis pas encore bon,mais je dois le devenir.

Comment peut-on alors définir le devoir par lui-même ? Le devoir se définit par quatrecaractéristiques essentielles : comme ce qu'il faut faire avant même de savoir ce qu'il faut faire, c'est-à-dire commeune pure exigence d'action sans contenu.

Ensuite le devoir se formule comme une exigence qui me concerne enpropre, moi et aucun autre : « le devoir est comme la mort elle-même, notre affaire commune qui est l'affaire privéede chacun et non pas l'affaire des autres, mais la mienne propre.

».

Troisièmement, le devoir Est-ce qu'il faut faireséance tenante, sans ajournement, ni possibilité de s'y soustraire : de ce point de vue, j'ai le devoir par rapport àmoi-même de travailler pour réaliser mes projets.

Enfin, le devoir n'est pas une tâche où ce qui est fait n'est plus àfaire comme lorsque on construit un immeuble : le devoir est un horizon infini où ce qui est fait reste à faire, et sanscesse à recommence.

L'homme moral ne peut être le rentier de ses bonnes œuvres, mais il doit sans cesse créercomme s'il n'avait encore jamais rien fait auparavant.

Conclusion : La conscience morale ne peut définir le devoir dans la mesure où d'une part les principes de cette conscience seréduisent peut être à une construction de préjugés, d'autre part le devoir de la conscience morale ne permet pas lavie en société.

Nous avons vu en effet que le vie en société n'était possible qu'en définissant le devoir parl'intériorisation des interdits sociaux.

Toutefois plutôt que de réduire tout devoir à l'intériorisation des interditssociaux, il s'agit de distinguer deux sortes de devoirs, l'un social, l'autre moral.

Le cas de Eichmann nous montre quele devoir est par essence une notion morale, ce qui implique de pouvoir résister aux autres devoirs.

Ainsi nous avonsété ramenés au fait même de l'obligation comme nécessité d'agir sans contenu et nous avons montré que le devoir. »

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