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Gorgias, la justice selon la loi et selon la nature

Publié le 08/03/2011

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gorgias

Texte 4 : La justice selon la loi et selon la nature, p77-80

 

Platon naît à Athènes d’une famille aristocratique. En 407 av J-C, il rencontre Socrate, dont il suivra l'enseignement pendant huit années. Celui-ci sera accusé de corrompre la jeunesse et d’impiété, Socrate est condamné à boire la ciguë, un poison mortel, et meurt en 399 av J-C. La mort de Socrate a une influence considérable sur la vie de Platon. C’est à partir de ce moment, qu’il écrit pour comprendre comment la justice a pu être bafouée dans la cité et délaisse ses aspirations politiques qui lui étaient destinées. En 387, Platon fonde l’Académie, cette école de philosophie au succès immense qui poursuivra son enseignement jusqu’au Vie siècle après J-C où Aristote sera son élève. Platon écrit des dialogues, et ce n’est pas anodin. Socrate passait le plus clair de son temps à dialoguer avec divers interlocuteurs. Fidèle aux enseignements de son maître, Platon considère l’opinion comme le plus grand obstacle à la saisie de la vérité. Être sage, c’est savoir que l’on ne sait pas. Gorgias fait partie de l’ensemble considérable des œuvres de Platon et qui est l’un des plus importants dialogues. La composition du Gorgias  est ordonnée comme celle d'une pièce de théâtre, en trois actes le tout couronné par un monologue qui étend au-delà de la vie l'intérêt que la justice a pour nous. Le dialogue se compose de quatre parties, la première est menée entre Socrate et Gorgias dialoguant sur la définition de la rhétorique, la seconde posant comme problème que sont le juste et l’injuste qui se discute entre Socrate et Polos, la troisième qui est entre Socrate et Calliclés se posant comme problématique « On ne peut pas opposer la nature et les lois » et la quatrième fini sur un monologue de Socrate où pour s’expliquer il utilise un mythe. Le passage que nous allons étudier est celui entre Socrate et Calliclés, le texte 4 : La justice selon la loi et selon la.

 

 

Jusqu'ici, Socrate n'a affronté que des maîtres de Rhétorique. Le combat change de nature et de face. Calliclès a le coup d'œil d'une nature philosophique, il a perçu l'enjeu. Il reproche à Socrate sa manière captieuse de raisonner. Pour Calliclès, souffrir une injustice est plus laid que de la commettre selon la nature, tandis que selon la loi il est plus laid de la commettre. Il reproche à Socrate de ne pas préciser s'il utilise dans ses démonstrations la nature ou la loi comme repères. C’est toute une culture et une pratique politique fondée sur l'opposition maître / esclave qui sont subverties. Socrate se retranche derrière son amour de la philosophie. Elle tient toujours le même langage, fût-elle en contradiction avec tout le monde et, sous sa conduite, le philosophe reste en accord, en consonance avec lui-même. Aux yeux de Calliclès, la philosophie donne une fausse idée de la nature et de la loi. D’après Calliclès, les lois positives (posées par les hommes) ont été inventées par les faibles pour empêcher les forts d’utiliser leur force. Pour Calliclès, l’éducation est une sorte de castration, de dénaturation. C’est une manière de ramener tout le monde à \"l’horrible moyenne\", on oblige les forts à rentrer dans la médiocrité. L’idéal démocratique va contre son idéal aristocratique (loi du plus fort). Calliclès construit sa puissance sur ce qu’il veut détruire. Il veut imposer sa mesure contre celle que Socrate propose, pour lui, l’égalité est une fausse mesure, et la vraie mesure est une répartition en fonction de la force et de la puissance.

La stratégie de Calliclès est très subtile. Il entend prouver qu'il n'y a pas un seul discours cohérent, mais trois. Il ne s'agit donc pas de réfuter, mais de hiérarchiser, en montrant que ces trois discours sont de force inégale, non seulement au regard de l'action, mais surtout au regard de ce qui fait l'excellence de la vie, la Valeur. Accessoirement, il entend dévoiler la ruse, dont s'est servi Socrate pour réfuter Polos. Brillant élève des Sophistes qui tournent et retournent en tous sens l'opposition de la Nature et de la Loi, il se sert habilement de ce lieu commun. Calliclès se reprend alors et définit successivement les plus forts comme étant les meilleurs puis comme étant les plus sages et enfin comme étant les hommes qui savent mener les affaires publiques et qui sont courageux. Dans cet ensemble de trois propositions ou thèses, il est nécessaire, pour ne pas se contredire, de nier l'une des trois si l'on affirme les deux autres. Il en résulte trois discours cohérents, celui de la Loi, des faibles, de la masse des hommes, celui de la Nature, des forts, des meilleurs, que soutient Calliclès, celui de la Philosophie, que Socrate est seul à soutenir. Tout le monde, sauf Socrate, est d'accord sur le plus mauvais est de subir l'injustice et  le conflit entre la Nature et la Loi porte sur le plus laid est de commettre l'injustice. Le lien fait entre la loi et la nature, découlant du parallèle entre les meilleurs et les bons, refait avancer Socrate dans sa savante réfutation. À grands coups d'exemples Socrate remet en question la légitimité d'avantager le meilleur s'il n'en a pas nécessairement besoins. Calliclès commence à vaciller sous les exemples diablement ironiques et puissants de son interlocuteur. Refusant de comprendre, il montre à quel point sa rhétorique de ne tient pas face à la puissante de la vérité de Socrate. De cette manière, le débat se poursuit. Il se détourne et atterrit sur un autre sujet à propos duquel Calliclès est persuadé d'avoir la réponse absolue : mieux vaut vivre en comblant son plaisir que de finir « comme une roche ». Réfutation performante de la part de Socrate qui questionne Calliclès quant à savoir si réellement il vaut mieux travailler toute sa vie à tenter de combler des besoins de bonheur qui ne le seront jamais réellement ou arriver à trouver le bonheur dans la réflexion, la simplicité, à « garder son tonneau remplis et à être heureux de le regarder »

Mais Socrate, en grand penseur qu'il est, boucle la boucle de belle façon : Si l'homme le meilleur qui soit souffre et le plus mauvais qui soit souffre aussi, ou, si les deux éprouvent un bonheur parfait en même temps, alors qu'ils sont ce qu'ils sont, pourquoi être bon passerait par le remplissage de toutes nos passions? La nature n'élimine donc-t-elle pas les faibles en leur refusant la quête des plaisirs comme Calliclès l'affirmait avec tant de certitude? Il est difficile d'être plus convaincant.

 

 

 

 

 

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