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Goldoni, Arlequin serviteur de deux maîtres (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Goldoni, Arlequin serviteur de deux maîtres (extrait). Goldoni définit d'emblée Arlequin serviteur de deux maîtres comme une commedia giocosa (comédie farce), différente de ses « comédies de caractère «, en ce qu'elle est construite autour du personnage de Truffaldin (Arlequin). La farce se déroule dans un monde peu soucieux de vraisemblance, puisque c'est celui de la commedia dell'arte. Goldoni défend le caractère de Truffaldin, présentant des divergences inconciliables entre la bêtise et l'intelligence. L'« Avis au lecteur « se termine par une recommandation faite aux comédiens qui joueront le rôle de Truffaldin : improviser sans grossièreté afin de pouvoir plaire à un public bien né. Arlequin serviteur de deux maîtres de Carlo Goldoni Avis au lecteur Tu trouveras, très cher lecteur, la présente comédie fort différente de celles que tu as pu lire de moi jusqu'à présent. Ce n'est pas une comédie de caractère, à moins qu'on ne veuille considérer comme un caractère le personnage de Truffaldin, qui est celui d'un serviteur à la fois sot et rusé : c'est-à-dire sot quand il agit étourdiment et sans réfléchir, mais très avisé quand il est conduit par l'intérêt de la malice, ce qui est le véritable caractère du vilain. On doit plutôt l'appeler comédie giocosa, parce que le jeu de Truffaldin en constitue l'essentiel. Elle ressemble beaucoup aux comédies traditionnelles des histrions sinon qu'elle me semble dépourvue de toutes les impertinences grossières que j'ai condamnées dans mon Théâtre comique et que le Monde désormais s'accorde pour détester. Les esprits scrupuleux pourraient trouver déplacé que Truffaldin prolonge le quiproquo de son appartenance à deux maîtres, même en leur présence, pour la seule raison que ni l'un ni l'autre ne l'appelle jamais par son nom ; car si Florindo ou Béatrice, au troisième acte, disait une seule fois Truffaldin au lieu de dire toujours mon serviteur, le quiproquo n'existerait plus et la comédie serait alors achevée. Mais de ces quiproquos soutenus par l'art de l'inventeur, on en trouve à profusion non seulement dans les comédies, mais dans les tragédies ; et quoique je m'applique à observer la vraisemblance dans une comédie giocosa, je crois qu'on peut s'accorder quelque facilité quand cela ne passe pas les bornes du possible. D'autres pourront encore penser qu'il y a trop d'écart entre la sottise et l'astuce de Truffaldin ; par exemple : déchirer une lettre de change pour marquer la disposition d'une table semble le comble de la balourdise. Servir deux maîtres en même temps dans deux pièces différentes, avec autant de rapidité et d'empressement, semble le comble de l'astuce. Mais voilà précisément ce que je disais en commençant du caractère de Truffaldin : sot quand il agit sans y penser, comme quand il déchire la lettre de change ; très rusé quand il agit avec malice, comme il fait en assurant le service à deux tables. Si, d'autre part, nous voulons considérer la catastrophe de la comédie, la péripétie, l'intrigue, Truffaldin n'est pas le protagoniste ; bien plus, à part la fausse nouvelle de la mort des deux amants dont ce serviteur est coup sur coup l'auteur, la comédie pourrait se dérouler sans lui ; mais de cela aussi on pourrait trouver d'innombrables exemples, que je ne fournis pas pour ne pas noircir trop de pages ; je ne crois d'ailleurs pas tenu de prouver ce que personne, du moins je m'en flatte, ne pourrait me reprocher ; de toute façon le célèbre Molière lui-même me servirait de garant pour me justifier. Quand je composai la présente comédie, en l'année 1745, à Pise, au milieu de mes occupations d'homme de loi, par divertissement et pour suivre mon génie, je ne l'écrivis pas telle qu'on la lit ici. À l'exception de trois ou quatre scènes par acte, les plus intéressantes pour les rôles sérieux, tout le reste de la comédie était seulement indiqué, à la manière de ce que les comédiens appellent d'habitude un canevas ; c'est-à-dire un scénario rédigé, où tout en indiquant le sujet, la trame, le développement et la chute des tirades et des dialogues, je laissais aux acteurs la liberté de compléter l'ouvrage à l'impromptu, avec des mots bien choisis, des lazzi appropriés et des pointes brillantes. Cette comédie à l'impromptu fut en effet si bien exécutée par les acteurs qui l'ont créée que j'en fus enchanté : je crois volontiers qu'ils l'ont mieux ornée en improvisant que je n'aurais pu le faire en écrivant. Les bons mots de Truffaldin, les plaisanteries, les traits vifs ont plus de saveur quand ils jaillissent sur-le-champ de la rapidité d'esprit, d'une heureuse rencontre, du brio. Le célèbre et excellent comédien, connu dans toute l'Italie précisément sous le nom de Truffaldin, a une telle rapidité d'esprit, une invention si fertile en bons mots et tant de naturel dans l'expression qu'on en reste surpris : et si je voulais trouver de la matière pour les rôles bouffons de mes comédies, je ne saurais faire mieux que d'étudier d'après lui. Cette comédie, j'en ai fait le dessin tout exprès pour lui, c'est même lui qui m'a proposé le sujet, sujet un peu difficile, en vérité, qui a mis au défi tout mon penchant naturel pour le comique artificioso et tout son talent à lui pour l'exécuter. Je l'ai ensuite vu jouer ailleurs par d'autres comédiens, mais parce qu'ils manquaient non de mérite peut-être mais des connaissances que le scénario ne pouvait leur donner à lui seul, elle me parut avoir énormément perdu depuis la première représentation. C'est pourquoi je me suis décidé à l'écrire entièrement, non pas pour obliger ceux qui joueront le rôle de Truffaldin à prononcer exactement mes mots à moi, s'ils sont capables de dire mieux, mais pour manifester clairement mon dessein et les mener à bonne fin par une voie aussi droite que possible. J'ai pris la peine de développer entièrement les lazzi nécessaires, les moindres observations, pour la rendre accessible autant que j'ai pu, et si son mérite n'est pas dans l'observation critique, dans la morale, dans l'enseignement, qu'il soit au moins dans une conduite raisonnable de l'action et dans un jeu raisonnable et judicieux. Je prierai toutefois ceux qui joueront le rôle de Truffaldin, s'ils voulaient y ajouter parfois du leur, de s'abstenir des mots grossiers, des lazzi obscènes ; qu'ils soient assurés cela ne fait rire que la plèbe la plus vile, alors que les gens bien nés en sont offensés. Sache enfin, mon cher lecteur, que cette comédie est une des six que j'ai promises en plus des quarante publiées par Bettinelli. Mais celle-ci aussi deviendra sa chose, parce que chacun s'empare de ce qui m'appartient ; bien plus, si je me prévaux discrètement de mon bien, on me l'impute à crime. Source : Goldoni (Carlo), Arlequin serviteur de deux maîtres, trad. par Valeria Tasca, Paris, GF-Flammarion, 1992. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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« Source : Goldoni (Carlo), Arlequin serviteur de deux maîtres, trad.

par Valeria Tasca, Paris, GF-Flammarion, 1992. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

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