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femme adulte pour cinq hommes), ils avaient été particulièrement attentifs au compte rendu d'Abaitara jeune, qui ignalait un excédent de femmes dans le village inconnu.

Publié le 06/01/2014

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femme adulte pour cinq hommes), ils avaient été particulièrement attentifs au compte rendu d'Abaitara jeune, qui ignalait un excédent de femmes dans le village inconnu. Veuf lui-même depuis plusieurs années, il comptait que 'établissement de relations cordiales avec ses sauvages congénères lui permettrait de se procurer une épouse. C'est dans es conditions que, non sans peine (car il craignait les conséquences de l'aventure), je le décidai à devancer le rendezous et à me servir de guide. Le point d'où nous devons pénétrer en forêt pour atteindre les Tupi-Kawahib se trouve à trois jours de pirogue en aval u poste de Pimenta Bueno, à l'embouchure de l'Igarapé do Porquinho. C'est un mince ruisseau qui se jette dans le achado. Non loin du confluent, nous repérons une petite clairière naturelle à l'abri des inondations, la berge étant à cet ndroit surélevée de quelques mètres. Nous y débarquons notre matériel : quelques caissettes de présents pour les ndigènes et des provisions de viande séchée, haricots et riz. Nous dressons un campement un peu plus stable que 'habitude, puisque celui-ci devra durer jusqu'à notre retour. La journée se passe à ces travaux et à l'organisation du oyage. La situation est assez compliquée. Comme je l'ai raconté, je me suis séparé d'une partie de ma troupe. Par alchance supplémentaire, Jehan Vellard, médecin de l'expédition, atteint d'une crise de paludisme, a dû nous devancer ans un petit centre de chercheurs de caoutchouc où il est au repos, à trois jours de pirogue vers l'aval (il faut doubler ou ripler les temps quand on remonte ces rivières difficiles). Notre effectif sera donc réduit à Luis de Castro Faria mon ompagnon brésilien, Abaitara, moi-même et cinq hommes dont deux garderont le campement, et trois nous suivront en orêt. Ainsi limités, et chacun portant hamac, moustiquaire et couverture en plus de ses armes et munitions, il est hors de uestion de se charger d'autres vivres qu'un peu de café, de viande séchée et de farinha d'agua. Celle-ci est faite de manioc macéré dans la rivière (d'où son nom) puis fermenté, et se présente sous forme de parcelles dures comme du gravier, mais qui, convenablement détrempées, dégagent un savoureux goût de beurre. Pour le reste, nous comptons sur les tocari - noix du Brésil - abondantes en ces parages et dont un seul ouriço, « hérisson » (cette coquille sphérique et ure qui peut tuer son homme lorsqu'elle se détache des hautes branches à vingt ou trente mètres du sol) tenu entre les ieds et adroitement fracassé d'un coup de terçado, fournit à plusieurs personnes un repas de trente à quarante grosses noix triangulaires, à pulpe laiteuse et bleutée. Le départ a lieu avant l'aube. Nous traversons d'abord des lageiros, espaces presque dénudés où la roche du plateau qui s'enfonce progressivement sous le sol alluvial affleure encore en plaques, puis des champs de hautes herbes lancéolées, les sapézals ; au bout de deux heures, nous pénétrons en forêt. XXXII EN FORÊT Depuis l'enfance, la mer m'inspire des sentiments mélangés. Le littoral et cette frange périodiquement cédée par le eflux qui le prolonge, disputant à l'homme son empire, m'attirent par le défi qu'ils lancent à nos entreprises, l'univers imprévu qu'ils recèlent, la promesse qu'ils font d'observations et de trouvailles flatteuses pour l'imagination. Comme Benvenuto Cellini, envers qui j'éprouve plus d'inclination que je n'en ai pour les maîtres du quattrocento, j'aime errer sur a grève délaissée par la marée et suivre aux contours d'une côte abrupte l'itinéraire qu'elle impose, en ramassant des cailloux percés, des coquillages dont l'usure a réformé la géométrie, ou des racines de roseau figurant des chimères, et e faire un musée de tous ces débris : pour un bref instant, il ne le cède en rien à ceux où l'on a assemblé des chefs'oeuvre ; ces derniers proviennent d'ailleurs d'un travail qui - pour avoir son siège dans l'esprit et non au-dehors - n'est eut-être pas fondamentalement différent de celui à quoi la nature se complaît. Mais n'étant ni marin, ni pêcheur, je me sens lésé par cette eau qui dérobe la moitié de mon univers et même avantage, puisque sa grande présence retentit en deçà de la côte, modifiant souvent le paysage dans le sens de 'austérité. La diversité habituelle à la terre, il me semble seulement que la mer la détruit ; offrant à l'oeil de vastes spaces et des coloris supplémentaires ; mais au prix d'une monotonie qui accable, et d'une platitude où nulle vallée achée ne tient en réserve les surprises dont mon imagination se nourrit. Au surplus, les charmes que je reconnais à la mer nous sont aujourd'hui refusés. Comme un animal vieillissant dont la carapace s'épaissit, formant autour de son corps une croûte imperméable qui ne permet plus à l'épiderme de respirer et accélère ainsi le progrès de sa sénescence, la plupart des pays européens laissent leurs côtes s'obstruer de villas, d'hôtels et de casinos. Au lieu que le littoral ébauche, comme autrefois, une image anticipée des solitudes océaniques, il devient une sorte de front où les hommes mobilisent périodiquement toutes leurs forces, pour donner l'assaut à une liberté dont ils démentent l'attrait par les conditions dans lesquelles ils acceptent de se la ravir. Les plages, où la mer nous livrait les fruits d'une agitation millénaire, étonnante galerie où la nature se classait toujours à l'avant-garde, sous le piétinement des foules ne servent plus guère qu'à la disposition et à l'exposition des rebuts. Je préfère donc la montagne à la mer ; et pendant des années ce goût a revêtu la forme d'un amour jaloux. Je haïssais ceux qui partageaient ma prédilection, puisqu'ils menaçaient cette solitude à quoi j'attachais tant de prix ; et je méprisais les autres, pour qui la montagne signifiait surtout des fatigues excessives et un horizon bouché, donc incapables d'éprouver les émotions qu'elle suscitait en moi. Il eût fallu que la société entière confessât la supériorité des montagnes, et m'en reconnût la possession exclusive. J'ajoute que cette passion ne s'appliquait pas à la haute montagne ; celle-ci 'avait déçu par le caractère ambigu des joies pourtant indiscutables qu'elle apporte : intensément physique et même rganique, quand on considère l'effort à accomplir ; mais cependant formel et presque abstrait dans la mesure où 'attention captivée par des tâches trop savantes se laisse, en pleine nature, enfermer dans des préoccupations qui elèvent de la mécanique et de la géométrie. J'aimais cette montagne dite « à vaches » ; et surtout, la zone comprise ntre 1 400 et 2 200 mètres : trop moyenne encore pour appauvrir le paysage ainsi qu'elle fait plus haut, l'altitude y emble provoquer la nature à une vie plus heurtée et plus ardente, en même temps qu'elle décourage les cultures. Sur es hauts balcons, elle préserve le spectacle d'une terre moins domestiquée que celle des vallées et telle qu'on se plaît - aussement sans doute - à imaginer que l'homme a pu la connaître à ses débuts. Si la mer offre à mon regard un paysage délayé, la montagne m'apparaît comme un monde concentré. Elle l'est au ens propre, puisque la terre plissée et pliée y rassemble plus de surface pour une même étendue. Les promesses de cet nivers plus dense sont aussi plus lentes à s'épuiser ; le climat instable qui y règne et les différences dues à l'altitude, à l'exposition et à la nature du sol, favorisent les oppositions tranchées entre les versants et les niveaux, ainsi qu'entre les aisons. Je n'étais pas, comme tant de gens, déprimé par le séjour dans une vallée étroite où les pentes, en raison de leur proximité, prennent un aspect de muraille et ne laissent apercevoir qu'un fragment de ciel que le soleil franchit en quelques heures ; bien au contraire. Il me semblait que ce paysage debout était vivant. Au lieu de se soumettre passivement à ma contemplation, à la manière d'un tableau dont il est possible d'appréhender les détails à distance et sans y mettre du sien, il m'invitait à une sorte de dialogue où nous devrions, lui et moi, fournir le meilleur de nousmêmes. L'effort physique que je dépensais à le parcourir était quelque chose que je cédais, et par quoi son être me devenait présent. Rebelle et provocant à la fois, me dérobant toujours une moitié de lui-même mais pour renouveler l'autre par la perspective complémentaire qui accompagne l'ascension ou la descente, le paysage de montagne s'unissait à moi dans une sorte de danse que j'avais le sentiment de conduire d'autant plus librement que j'avais mieux réussi à pénétrer les grandes vérités qui l'inspiraient. Et pourtant, aujourd'hui, je suis bien obligé de le reconnaître : sans que je me sente changé, cet amour de la montagne se déprend de moi comme un flot reculant sur le sable. Mes pensées sont restées les mêmes, c'est la montagne qui me quitte. Des joies toutes pareilles me deviennent moins sensibles pour les avoir trop longtemps et trop intensément recherchées. Sur ces itinéraires souvent suivis, même la surprise est devenue familière ; je ne grimpe plus dans les fougères et les rochers, mais parmi les fantômes de mes souvenirs. Ceux-ci perdent doublement leur attrait ; d'abord en raison d'un usage qui les a vidés de leur nouveauté ; et surtout, parce qu'un plaisir un peu plus émoussé chaque fois est obtenu au prix d'un effort qui s'accroît avec les années. Je vieillis, rien ne m'en avertit sinon cette usure ux angles, jadis vifs, de mes projets et de mes entreprises. Je suis encore capable de les répéter ; mais il ne dépend plus e moi que leur accomplissement m'apporte la satisfaction qu'ils m'avaient si souvent et si fidèlement procurée. C'est la forêt, maintenant, qui m'attire. Je lui trouve les mêmes charmes qu'à la montagne, mais sous une forme plus aisible et plus accueillante. D'avoir tant parcouru les savanes désertiques du Brésil central a redonné son charme à cette ature agreste qu'ont aimée les anciens : la jeune herbe, les fleurs et la fraîcheur humide des halliers. Dès lors, il ne m'était plus possible de conserver aux Cévennes pierreuses le même amour intransigeant ; je comprenais que l'enthousiasme de ma génération pour la Provence était une ruse, dont nous étions devenus les victimes après en avoir été les auteurs. Pour découvrir - joie suprême que notre civilisation nous retirait - nous sacrifiions à la nouveauté l'objet qui doit la justifier. Cette nature avait été négligée tant qu'il était loisible de se repaître d'une autre. Privés de la plus gracieuse, il nous fallait réduire nos ambitions à la mesure de celle qui restait disponible, glorifier la sécheresse et la dureté, puisque ces formes seules nous étaient offertes désormais. Mais, dans cette marche forcée, nous avions oublié la forêt. Aussi dense que nos villes, elle était peuplée par d'autres tres formant une société qui nous avait plus sûrement tenus à l'écart que les déserts où nous avancions follement : que e soient les hautes cimes ou les garrigues ensoleillées. Une collectivité d'arbres et de plantes éloigne l'homme, 'empresse de recouvrir les traces de son passage. Souvent difficile à pénétrer, la forêt réclame de celui qui s'y enfonce es concessions que, de façon plus brutale, la montagne exige du marcheur. Moins étendu que celui des grandes chaînes, on horizon vite clos enferme un univers réduit, qui isole aussi complètement que les échappées désertiques. Un monde 'herbes, de fleurs, de champignons et d'insectes y poursuit librement une vie indépendante, à laquelle il dépend de otre patience et de notre humilité d'être admis. Quelques dizaines de mètres de forêt suffisent pour abolir le monde extérieur, un univers fait place à un autre, moins complaisant à la vue, mais où l'ouïe et l'odorat, ces sens plus proches de l'âme, trouvent leur compte. Des biens qu'on croyait disparus renaissent : le silence, la fraîcheur et la paix. L'intimité avec le monde végétal concède ce que la mer maintenant nous refuse, et ce dont la montagne fait payer trop chèrement le prix. Pour m'en convaincre, peut-être fallait-il pourtant que la forêt m'imposât d'abord sa forme la plus virulente, grâce à quoi ses traits universels me deviendraient apparents. Car, entre la forêt où je m'enfonçais à la rencontre des TupiKawahib et celle de nos climats, l'écart est tel qu'on a du mal à trouver les mots pour l'exprimer. Vue du dehors, la forêt amazonienne semble un amas de bulles figées, un entassement vertical de boursouflures ertes ; on dirait qu'un trouble pathologique a uniformément affligé le paysage fluvial. Mais quand on crève la pellicule et u'on passe au-dedans, tout change : vue de l'intérieur, cette masse confuse devient un univers monumental. La forêt esse d'être un désordre terrestre ; on la prendrait pour un nouveau monde planétaire, aussi riche que le nôtre et qui 'aurait remplacé. Dès que l'oeil s'est habitué à reconnaître ces plans rapprochés et que l'esprit a pu surmonter la première impression 'écrasement, un système compliqué se dégage. On distingue des étages superposés, qui, malgré les ruptures de niveau t les brouillages intermittents, reproduisent la même construction : d'abord la cime des plantes et des herbes qui 'arrêtent à hauteur d'homme ; au-dessus, les troncs pâles des arbres et les lianes jouissant brièvement d'un espace libre e toute végétation ; un peu plus haut, ces troncs disparaissent, masqués par le feuillage des arbustes ou la floraison carlate des bananiers sauvages, les pacova ; les troncs rejaillissent un instant de cette écume pour se perdre à nouveau dans la frondaison des palmiers ; ils en sortent à un point plus élevé encore où se détachent leurs premières branches orizontales, dépourvues de feuilles mais surchargées de plantes épiphytes - orchidées et broméliacées - comme les avires de leur gréement ; et c'est presque hors d'atteinte pour la vue que cet univers se clôt par de vastes coupoles, tantôt vertes et tantôt effeuillées, mais alors recouvertes de fleurs blanches, jaunes, orangées, pourpres ou mauves ; le spectateur européen s'émerveille d'y reconnaître la fraîcheur de ses printemps, mais à une échelle si disproportionnée que le majestueux épanouissement des flambées automnales s'impose à lui comme seul terme de comparaison. À ces étages aériens en répondent d'autres, sous les pas mêmes du voyageur. Car ce serait une illusion de croire qu'on arche sur le sol, enfoui sous un enchevêtrement instable de racines, de surgeons, de touffes et de mousses ; chaque fois ue le pied manque un point ferme, on risque la chute, dans des profondeurs parfois déconcertantes. Et la présence de ucinda complique encore la progression. Lucinda est un petit singe femelle à queue prenante, à peau mauve et fourrure de petit-gris, de l'espèce Lagothrix, communément appelée barrigudo à cause du gros ventre qui la caractérise. Je l'ai obtenue, âgée de quelques semaines, 'une Indienne Nambikwara qui lui donnait la becquée et la portait jour et nuit cramponnée à sa chevelure remplaçant our le petit animal le pelage et l'échine maternels (les mères singes portent leur petit sur le dos). Les biberons de lait ondensé eurent raison de la becquée, ceux de whisky, qui foudroyaient de sommeil la pauvre bête, me libérèrent rogressivement pour la nuit. Mais, durant la journée, il fut impossible d'obtenir de Lucinda plus qu'un compromis : elle consentit à renoncer à mes cheveux au profit de ma botte gauche, à laquelle, du matin au soir, elle se tenait accrochée es quatre membres, juste au-dessus du pied. À cheval, cette position était possible, et parfaitement acceptable en

« XXXII EN FORÊTDepuis l’enfance, lamer m’inspire dessentiments mélangés.Lelittoral etcette frange périodiquement cédéeparle reflux quileprolonge, disputantàl’homme sonempire, m’attirent parledéfi qu’ils lancent ànos entreprises, l’univers imprévu qu’ilsrecèlent, lapromesse qu’ilsfontd’observations etde trouvailles flatteusespourl’imagination.

Comme Benvenuto Cellini,enversquij’éprouve plusd’inclination quejen’en aipour lesmaîtres du quattrocento, j’aime errersur la grève délaissée parlamarée etsuivre auxcontours d’unecôteabrupte l’itinéraire qu’elleimpose, enramassant des cailloux percés,descoquillages dontl’usure aréformé lagéométrie, oudes racines deroseau figurant deschimères, et me faire unmusée detous cesdébris : pourunbref instant, ilne lecède enrien àceux oùl’on aassemblé deschefs- d’œuvre ; cesderniers proviennent d’ailleursd’untravail qui–pour avoir sonsiège dansl’esprit etnon au-dehors –n’est peut-être pasfondamentalement différentdecelui àquoi lanature secomplaît. Mais n’étant nimarin, nipêcheur, jeme sens léséparcette eauquidérobe lamoitié demon univers etmême davantage, puisquesagrande présence retentitendeçà delacôte, modifiant souventlepaysage danslesens de l’austérité.

Ladiversité habituelle àla terre, ilme semble seulement quelamer ladétruit ; offrantàl’œil devastes espaces etdes coloris supplémentaires ; maisauprix d’une monotonie quiaccable, etd’une platitude oùnulle vallée cachée netient enréserve lessurprises dontmonimagination senourrit. Au surplus, lescharmes quejereconnais àla mer nous sontaujourd’hui refusés.Commeunanimal vieillissant dontla carapace s’épaissit, formantautourdeson corps unecroûte imperméable quinepermet plusàl’épiderme derespirer et accélère ainsileprogrès desasénescence, laplupart despays européens laissentleurscôtes s’obstruer devillas, d’hôtels et de casinos.

Aulieu que lelittoral ébauche, commeautrefois, uneimage anticipée dessolitudes océaniques, ildevient une sorte defront oùles hommes mobilisent périodiquement toutesleursforces, pourdonner l’assaut àune liberté dont ils démentent l’attraitparlesconditions danslesquelles ilsacceptent deselaravir.

Lesplages, oùlamer nous livrait les fruits d’une agitation millénaire, étonnantegalerieoùlanature seclassait toujours àl’avant-garde, souslepiétinement des foules neservent plusguère qu’àladisposition etàl’exposition desrebuts. Je préfère donclamontagne àla mer ; etpendant desannées cegoût arevêtu laforme d’unamour jaloux.

Jehaïssais ceux quipartageaient maprédilection, puisqu’ilsmenaçaient cettesolitude àquoi j’attachais tantdeprix ; etjeméprisais les autres, pourquilamontagne signifiaitsurtoutdesfatigues excessives etun horizon bouché, doncincapables d’éprouver lesémotions qu’ellesuscitait enmoi.

Ileût fallu quelasociété entière confessât lasupériorité desmontagnes, et m’en reconnût lapossession exclusive.J’ajoutequecette passion nes’appliquait pasàla haute montagne ; celle-ci m’avait déçuparlecaractère ambigudesjoies pourtant indiscutables qu’elleapporte : intensément physiqueetmême organique, quandonconsidère l’effortàaccomplir ; maiscependant formeletpresque abstraitdanslamesure où l’attention captivéepardes tâches tropsavantes selaisse, enpleine nature, enfermer dansdespréoccupations qui relèvent delamécanique etde lagéométrie.

J’aimaiscettemontagne dite« àvaches » ; etsurtout, lazone comprise entre 1 400 et2 200 mètres : tropmoyenne encorepourappauvrir lepaysage ainsiqu’elle faitplus haut, l’altitude y semble provoquer lanature àune vieplus heurtée etplus ardente, enmême tempsqu’elle décourage lescultures.

Sur ces hauts balcons, ellepréserve lespectacle d’uneterremoins domestiquée quecelle desvallées ettelle qu’on seplaît – faussement sansdoute –àimaginer quel’homme apu laconnaître àses débuts. Si la mer offre àmon regard unpaysage délayé,lamontagne m’apparaît commeunmonde concentré.

Ellel’est au sens propre, puisque laterre plissée etpliée yrassemble plusdesurface pourunemême étendue.

Lespromesses decet univers plusdense sontaussi pluslentes às’épuiser ; leclimat instable quiyrègne etles différences duesàl’altitude, à l’exposition etàla nature dusol, favorisent lesoppositions tranchéesentrelesversants etles niveaux, ainsiqu’entre les saisons.

Jen’étais pas,comme tantdegens, déprimé parleséjour dansunevallée étroite oùles pentes, enraison deleur proximité, prennentunaspect demuraille etne laissent apercevoir qu’unfragment deciel que lesoleil franchit en quelques heures ;bienaucontraire.

Ilme semblait quecepaysage deboutétaitvivant.

Aulieu desesoumettre passivement àma contemplation, àla manière d’untableau dontilest possible d’appréhender lesdétails àdistance et sans ymettre dusien, ilm’invitait àune sorte dedialogue oùnous devrions, luietmoi, fournir lemeilleur denous- mêmes.

L’effortphysique quejedépensais àle parcourir étaitquelque chosequejecédais, etpar quoi sonêtre me devenait présent.Rebelleetprovocant àla fois, medérobant toujoursunemoitié delui-même maispour renouveler l’autre parlaperspective complémentaire quiaccompagne l’ascensionouladescente, lepaysage demontagne s’unissait à moi dans unesorte dedanse quej’avais lesentiment deconduire d’autantpluslibrement quej’avais mieuxréussià pénétrer lesgrandes véritésquil’inspiraient. Et pourtant, aujourd’hui, jesuis bien obligé delereconnaître : sansquejeme sente changé, cetamour dela montagne sedéprend demoi comme unflot reculant surlesable.

Mespensées sontrestées lesmêmes, c’estla montagne quime quitte.

Desjoies toutes pareilles medeviennent moinssensibles pourlesavoir troplongtemps ettrop intensément recherchées.

Surcesitinéraires souventsuivis,même lasurprise estdevenue familière ; jene grimpe plus dans lesfougères etles rochers, maisparmi lesfantômes demes souvenirs.

Ceux-ciperdent doublement leurattrait ;. »

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