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Faut-il soigner ou punir un criminel ?

Publié le 18/09/2005

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Nous avons tous éprouvé des impressions de ce genre, bien que nous n'en ayons pas toujours subi l'influence au point de devenir inaccessibles à toute autre impression, et nous n'hésitons pas à accorder à la manière de voir de Groddeck la place qui lui revient dans la science. Je propose d'en tenir compte en appelant Moi l'entité qui a son point de départ dans le système P et qui est, en premier lieu, préconscient, et en réservant la dénomination Ça (Es) à tous les autres éléments psychiques dans lesquels le moi se prolonge en se comportant d'une manière inconsciente. [...]             Un individu se compose ainsi pour nous d'un Ça psychique, inconnu et inconscient, auquel se superpose le Moi superficiel, émanant du système P comme d'un noyau. [...]             Il est facile de voir que le Moi est une partie du Ça ayant subi des modifications sous l'influence directe du monde extérieur, et par l'intermédiaire de la conscience-perception. Il représente, dans une certaine mesure, un prolongement de la différenciation superficielle. Il s'efforce aussi d'étendre sur le Ça et sur ses intentions l'influence du monde extérieur, de substituer le principe de la réalité au principe du plaisir qui seul affirme son pouvoir dans le Ça. La perception est au Moi ce que l'instinct ou l'impulsion instinctive sont au Ça. Le Moi représente ce qu'on appelle la raison et la sagesse, le Ça, au contraire, est dominé par les passions.

         Nous pouvons à présent voir dans quelle mesure soin et punition s'opposent dans la compréhension, et dans la juste réaction (« faut-il..? «) face au criminel. Remarquons dès l'abord que notre système pénal, par exemple, est mixte : il mêle mesures anthropologiques, reposant sur le savoir institué - et reconnu par les tribinaux – des experts psychiatriques (concept de la circonstance atténuante, de l'irresponsabilité du malade mental), et mesures juridiques (punition pour un acte prohibé par la loi). Un système juridique pur dresserait une stricte équivalence entre acte et punition, c'est-à-dire qu'il ne se poserait pas la question de la psychologie du crime, de ses causes, de sa nature : en toutes circonstances, pour celui qui passe pour fou ou malade comme pour celui qui passe pour normal, le même acte appellerait le même châtiment. Un système anthropologique pur, au contraire, séparerait radicalement matérialité de l'acte et décision judiciaire : chaque acte serait pris comme signe de quelque chose de plus profond : le intentions, désirs éventuellement inconscients, bref, la réalité psychologique du crime.

On s'aperçoit que le « ou « du sujet – faut soigner ou  punir un criminel – n'est pas exclusif : l'opposition n'est pas absolue. Telle que l'histoire a façonné notre conscience collective – et la rationalité de notre système pénal – il est manifeste qu'un système purement juridique nous semblerait injuste, démesuré, etc.. (bien voir la profondeur des racines historiques de cette conception; la catéchèse catholique, par exemple, a théorisé rapidement des notions comme celle de légitime défense – Thomas d'Aquin – de vol légitime – par exemple un pauvre qui ne pourrait survivre autrement – etc.). Inversement, un système anthropologique nous aparaît le plus souvent, ou du moins à certains groupes, comme un manquement de la justice par rapport à ses fonctions. Il y aurait, en tout cas, dans la tentative systématique pour saisir la vérité particulière de chaque crime, un déplacement dans la conception de la Justice en tant qu'institution : celle-ci ne serait plus un organe de régulation, de protection et de châtiment des comportements, mais un organe de définition des individus.

En revanche, le système mixte soulève un autre ensemble de problèmes : le juge est-il à même de voir dans quels cas il faut soigner, dans quels cas il faut punir, et dans quels cas une punition atténuée doit accompagner des soins relativement plus légers? Cela ne revient-il pas à ramener la décision du juge à son opinion anthropologique sur le criminel : il devrait alors dire qui était libre et qui était malade?

         Le sujet nous ramène devant l'impossibilité de nos juger les uns les autres; devant l'impossibilité de mesurer une liberté, des mobiles, des influences, des impulsions, etc.. Punir, c'est condamner l'autre dans l'usage de la liberté; soigner, c'est le disqualifier dans son être. Dans les deux cas, on suppose un sens moral, qui serait, dans le premier cas, insuffisant chez le criminel en tant qu'instance pratique de décision; et, dans le second cas, absent sur le mode de la pathologie. Pour une loi publique, supposée connue de tous, peut-on vraiment déterminer, chez celui qui y a manqué, si son manquement était pathologie ou acte mauvais? Ne pourrait-on pas, par exemple, dire que celui qui, sans être « malade «, est parfaitement conscient de ce qu'il fait, qu'il est déviant par rapport à une autre norme, celle du sens moral commun, et, par là, qu'il est malade? Ou, inversement, que le malade mésuse de sa liberté, et mérite donc punition?

         Il faut, pour poser le problème, partir de ce flou, de cette impossibilité fondamentale à décider, de cette nécessité qui frappe les sociétés, d'accepter une incertitude dans le jugement, de poser des normes qu'elle sait inadéquate à la réalité psychologique du criminel. Cette impossibilité étant donnée, c'est une réflexion sur ce qu'est la justice, sur son rôle et sa légitimité qui doit nous permettre de trancher. Un compromis étant nécessaire, lequel est le plus en adéquation avec l'essence idéale de la justice? Lequel épouse au mieux les objectifs qu'une société juste peut se fixer? Lequel, enfin, nous est suggéré par les divers savoirs anthropologiques que nous possédons? Cette dernière question en appelle une autre, qui est le fonds du sujet : dans quelle mesure notre savoir peut-il nous permettre de juger plus justement?

« nous aparaît le plus souvent, ou du moins à certains groupes, comme un manquement de la justice parrapport à ses fonctions.

Il y aurait, en tout cas, dans la tentative systématique pour saisir la véritéparticulière de chaque crime, un déplacement dans la conception de la Justice en tant qu'institution : celle-cine serait plus un organe de régulation, de protection et de châtiment des comportements, mais un organe dedéfinition des individus. En revanche, le système mixte soulève un autre ensemble de problèmes : le juge est-il à même de voir dansquels cas il faut soigner, dans quels cas il faut punir, et dans quels cas une punition atténuée doitaccompagner des soins relativement plus légers? Cela ne revient-il pas à ramener la décision du juge à sonopinion anthropologique sur le criminel : il devrait alors dire qui était libre et qui était malade? ● Le sujet nous ramène devant l'impossibilité de nos juger les uns les autres; devant l'impossibilité de mesurer une liberté, des mobiles, des influences, des impulsions, etc..

Punir, c'est condamner l'autre dansl'usage de la liberté; soigner, c'est le disqualifier dans son être.

Dans les deux cas, on suppose un sensmoral, qui serait, dans le premier cas, insuffisant chez le criminel en tant qu'instance pratique de décision;et, dans le second cas, absent sur le mode de la pathologie.

Pour une loi publique, supposée connue de tous,peut-on vraiment déterminer, chez celui qui y a manqué, si son manquement était pathologie ou actemauvais? Ne pourrait-on pas, par exemple, dire que celui qui, sans être « malade », est parfaitementconscient de ce qu'il fait, qu'il est déviant par rapport à une autre norme, celle du sens moral commun, et,par là, qu'il est malade? Ou, inversement, que le malade mésuse de sa liberté, et mérite donc punition? ● Il faut, pour poser le problème, partir de ce flou, de cette impossibilité fondamentale à décider, de cette nécessité qui frappe les sociétés, d'accepter une incertitude dans le jugement, de poser des normes qu'ellesait inadéquate à la réalité psychologique du criminel.

Cette impossibilité étant donnée, c'est une réflexionsur ce qu'est la justice, sur son rôle et sa légitimité qui doit nous permettre de trancher.

Un compromis étantnécessaire, lequel est le plus en adéquation avec l'essence idéale de la justice? Lequel épouse au mieux lesobjectifs qu'une société juste peut se fixer? Lequel, enfin, nous est suggéré par les divers savoirsanthropologiques que nous possédons? Cette dernière question en appelle une autre, qui est le fonds dusujet : dans quelle mesure notre savoir peut-il nous permettre de juger plus justement? Proposition de plan I La punition présuppose une situation métaphysique de choix absolument libre Sigmund FREUD Le Moi et le ça, in Essais de pychanalyse « Je crois que nous aurions tout profit à suivre les suggestions de [...] C.Groddeck, qui ne se lasse pas de répéter que ce que nous appelons notre Moi se comporte dans la vie d'une façon toute passive, que nous sommes, pournous servir de son expression, vécus par des forces inconnues, échappant ànotre maîtrise.

Nous avons tous éprouvé des impressions de ce genre, bienque nous n'en ayons pas toujours subi l'influence au point de devenirinaccessibles à toute autre impression, et nous n'hésitons pas à accorder à lamanière de voir de Groddeck la place qui lui revient dans la science.

Jepropose d'en tenir compte en appelant Moi l'entité qui a son point de départ dans le système P et qui est, en premier lieu, préconscient, et en réservant ladénomination Ça (Es) à tous les autres éléments psychiques dans lesquels le moi se prolonge en se comportant d'une manière inconsciente.

[...] Un individu se compose ainsi pour nous d'un Ça psychique, inconnu et inconscient, auquel se superpose le Moi superficiel, émanant du système P comme d'un noyau.

[...] Il est facile de voir que le Moi est une partie du Ça ayant subi des modifications sous l'influence directe du monde extérieur, et par l'intermédiaire de la conscience-perception.

Ilreprésente, dans une certaine mesure, un prolongement de la différenciation superficielle.

Il s'efforce aussi d'étendresur le Ça et sur ses intentions l'influence du monde extérieur, de substituer le principe de la réalité au principe du plaisir qui seul affirme son pouvoir dans le Ça.

La perception est au Moi ce que l'instinct ou l'impulsion instinctive sont au Ça.

Le Moi représente ce qu'on appelle la raison et la sagesse, le Ça, au contraire, est dominé par les passions.

[...] L'importance fonctionnelle du Moi consiste en ce que, d'une façon normale, c'est lui qui contrôle les avenues de la motilité.

Dans ses rapports avec le Ça, on peut le comparer au cavalier chargé de maîtriser a force supérieure du cheval, à la différence près que le cavalier domine le cheval par ses propres forces, tandis que le Moi le fait avec des forces d'emprunt.

Cette comparaison peut être poussée un peu plus loin.

De même qu'au cavalier,s'il ne veut pas se séparer du cheval, il ne reste souvent qu'à le conduire là où il veut aller, de même le Moi traduit. »

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