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Faut-il refuser toute liberté aux ennemis de la liberté ?

Publié le 06/09/2004

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La distinction proposée prend donc sa signification en niveau d'une spécification de la notion de liberté. Opposer une forme particulière de liberté à la liberté en général, n'est-ce pas donner à entendre que le tout doit être nettement différencié de la partie, et, en l'occurrence, a bien plus de prix ? De fait, le sens général de la question se réfère à l'idée qu'on pourrait « sacrifier « la partie en tout, sauver la liberté en supprimant provisoirement une des libertés particulières qui la constituent. Au-delà de cette remarque sur l'opposition maîtresse contenue dans l'énoncé, il y a bien sûr nécessité de prendre en considération les différents sens du mot liberté (liberté de droit, liberté de fait. Liberté de penser, liberté d'agir, etc. Cf. les distinctions proposées par   Leibniz dans les Nouveaux Essais sur l'entendement humain). - Qui sont les « ennemis de la liberté « ? Sans doute ceux qui entendent s'opposer à sa réalisation, ou la rendre impossible, ou ceux qui, supprimant les différentes libertés, menacent la liberté elle-même. Par exemple, la suppression de la liberté d'association peut tendre à assujettir les individus à un pouvoir qui les opprime d'autant plus facilement qu'ils sont plus isolés ; de même l'abolition de la liberté d'expression, interdisant la libre communication des pensées, tend à supprimer toute résistance aux menées d'un pouvoir totalitaire.

« • Deuxième étape : élaboration d'une problématique. — A quoi renvoie la question ? Paradoxe... Comment la liberté peut-elle être à la fois affirmée comme but (on entend la préserver en empêchant ses ennemis de lui nuire) et niéepratiquement par les mesures que l'on prend pour la défendre ? Paradoxe limité par la différence de formulation entre toute liberté etla liberté (cf.

plus haut).

Ce paradoxe n'est-il pas une version classique du problème du rapport entre la fin et les moyens ? Est-illégitime de défendre le tout au prix du sacrifice de la partie ? — La question est-elle bien posée ? Question abstraite ?... Si la « liberté en général » est menacée par certains, faut-il les priver du pouvoir particulier de faire telle ou telle chose qui mettrait enoeuvre cette menace ? Ce pouvoir peut-il être défini comme une authentique liberté ? La contradiction apparente de la question poséene tient-elle pas au flou de la notion de liberté, et au fait que les deux acceptions successives qui en sont retenues sont très différentes? — Quel(s) exemple(s) pourraient illustrer la question ? a) La concentration de la presse...

et les contradictions qu'elle engendre.

Posons, provisoirement, comme une liberté le pouvoird'acheter des journaux, et de les accumuler.

Voyons les conséquences : à terme, celui qui détient la richesse peut acquérir uneposition de monopole.

Mais le monopole est incompatible avec le pluralisme de la presse, lui-même manifestation de la libertéd'expression et de communication... b) Le coup d'état militaire (cf.

par exemple le coup d'état de Pinochet au Chili, contre le régime démocratique de Salvador Allende, en1973).

L'intervention violente des militaires pour mettre fin à un régime démocratique garant de la liberté était « prévisible » au Chili.Fallait-il empêcher les généraux fascistes de nuire ? Une telle initiative consistait-elle à porter attente à une liberté ? Dilemme difficile.Le président Allende refuse de recouvrir à toute mesure pouvant d'une façon ou d'une autre mettre en cause les libertés.

Ses ennemis,qui étaient aussi les ennemis de la liberté, n'hésitent pas à l'assassiner, et à instaurer par les armes un régime dont AmnestyInternational a souligné dans de multiples rapports qu'il bafoue toutes les libertés ou presque... — Une formule à double tranchant : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » (Babeuf) a) Une formule qui peut se comprendre...Le grand révolutionnaire français, auteur de la fameuse formule, se réfère aux menaces qui font peser sur la Révolution ceux quivoudraient en remettre en cause les acquis.

Le côté paradoxal de la formule doit être saisi dans le contexte historique.

La Révolutionde 1789 a constitué, de façon incontestable, un avènement extraordinaire de la liberté.

Mise en oeuvre pratique de la « Philosophie desLumières », point d'aboutissement de toutes les luttes antérieures pour la Liberté, contre l'ordre obscurantiste et injuste de l'AncienRégime, la Révolution de 1789 marque un progrès décisif de l'idée de Liberté dans sa réalisation historique.

Kant lui rendra un vibranthommage, à ce titre, dans « Le conflit des facultés » (cf.

Philosophie de l'histoire, Kant - Éditions Gonthier - Médiations).

Mais un telavènement a rencontré de farouches résistances, notamment de la part des privilégiés et des profiteurs de l'Ancien Régime.

Ceux-ciont tout fait pour recouvrer leurs privilèges (abolis la fameuse nuit du 4 août 1789).

Dès lors, la question s'est posée de façon trèsaiguë : l'instauration de la liberté pour tous pouvait-elle être à la merci d'une « revanche » des anciens exploiteurs ? N'était-il paslégitime de les priver de cette « liberté » de recourir à la subversion, dans la mesure où ce qui était en cause, c'était la Liberté elle-même ? Bref, peut-on concevoir une limitation, provisoire, de certaines libertés, au nom même de la Liberté ? La formule de Babeufest moins nuancée que celle du sujet (qui distingue toute liberté de la liberté) mais elle relève d'un contexte qui en explique largementle côté plus polémique. b) Mais une dangereuse dérive possible : les moyens et la fin.Qui accorde ou refuse la liberté ? Il peut se faire que l'urgence ou la gravité d'une situation de mise en cause de la Liberté généraleappellent des mesures d'exception (c'était le cas au moment de la Révolution française).

Mais ces mesures, s'accompagnant depouvoirs eux-mêmes très importants, confiés à certains dirigeants, comportent un danger.

Celui qui détient de tels pouvoirs ne lesutilisera-t-il toujours qu'en vue de la fin visée ? Ne transgressera-t-il pas les limites légitimes fixées par le droit ? N'utilisera-t-il pas àdes fins personnelles les pouvoirs ainsi détenus ? Ne sera-t-il pas pris par une sorte de logique dangereuse d'un exercice du pouvoirqui devient à lui-même sa propre fin, et perd de vue le but initial ? Certaines dérives de ce type se sont effectivement produites dansl'histoire, posant un problème très réel à tous les révolutionnaires qui entendent faire de la révolution un moyen toujours assujetti auxnormes qui justifient la fin : dans certains cas, les moyens employés contredisent la fin visée, et l'on tombe dans l'absurde.

Questionqui ne peut sans doute être posée abstraitement, mais mérite d'être envisagée, ne serait-ce qu'à titre régulateur (cf.

la problématiquede la pièce « Les Justes », d'Albert Camus).On notera, par exemple, que le problème des limites de la « Raison d'État » relève des questions qui viennent d'être posées.

(Cf.

lesujet sur le rapport entre Droit et raison d'État.) • Troisième étape : esquisse de cheminement — D1.

Explicitation des implications de la formule et notamment de son côté paradoxal.

Mise en place des problèmes.— D2.

Examen critique des raisons qui fondent la distinction entre toute liberté et la liberté.a) La liberté comme fondement et fin ultime.b) L'émergence possible d'une contradiction.

Étude d'un exemple (cf.

plus haut).— D3.

Conditions auxquelles une forme particulière de liberté peut être refusée.a) L'exigence de légitimité.b) Les contrefaçons de cette exigence (l'abus de la raison d'État).c) Retour sur la fin et les moyens : les limites de l'action propre à l'instance qui est chargée d'assurer la liberté de tous.. »

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