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Faites l'analyse du dialogue suivant, puis dégagez-en une idée qui vous paraît importante et commentez-la.

Publié le 16/02/2011

Extrait du document

ANDROMAQUE. - Mon père, je vous en supplie. Si vous avez cette amitié pour les femmes, écoutez ce que toutes les femmes du monde vous disent par ma voix. Laissez-nous nos maris comme ils sont. Pour qu'ils gardent leur agilité et leur courage, les dieux ont créé autour d'eux tant d'entraîneurs vivants ou non vivants ! Quand ce ne serait que l'orage ! Quand ce ne serait que les bêtes ! Aussi longtemps qu'il y aura des loups, des éléphants, des onces, l'homme aura mieux que l'homme comme émule et comme adversaire. Tous ces grands oiseaux qui volent autour de nous, ces lièvres dont nous les femmes confondons le poil avec les bruyères, sont de plus sûrs garants de la vue perçante de nos maris que l'autre cible, que le coeur de l'ennemi emprisonné dans sa cuirasse. Chaque fois que j'ai vu tuer un cerf ou un aigle, je l'ai remercié. Je savais qu'il mourait pour Hector. Pourquoi voulez-vous que je doive Hector à la mort d'autres hommes ?

PRIAM. - Je ne le veux pas, ma petite chérie. Mais savez-vous pourquoi vous êtes là, toutes si belles et si vaillantes ? C'est parce que vos maris et vos pères et vos aveux furent des guerriers. S'ils avaient été paresseux aux armes, s'ils n'avaient pas su que cette occupation terne et stupide qu'est la vie se justifie soudain et s'illumine par le mépris que les hommes ont d'elle, c'est vous qui seriez lâches et réclameriez la guerre. Il n'y a pas deux façons de se rendre immortel ici-bas, c'est d'oublier qu'on est mortel.

ANDROMAQUE. - Oh ! justement, Père, vous le savez bien ! Ce sont les braves qui meurent à la guerre. Pour ne pas y être tué, il faut un grand hasard ou une grande habileté. Il faut avoir courbé la tête ou s'être agenouillé au moins une fois devant le danger. Les soldats qui défilent sous les arcs de triomphe sont ceux qui ont déserté la mort. Comment un pays pourrait-il gagner dans son honneur et dans sa force en les perdant tous les deux ?

PRIAM. - Ma fille, la première lâcheté est la première ride d'un peuple.

ANDROMAQUE. - Où est la pire lâcheté ? Paraître lâche vis-à-vis des autres, et assurer la paix ? Ou être lâche vis-à-vis de soi-même et provoquer la guerre ?

DÉmokos. — La lâcheté est de ne pas préférer à toute mort la mort pour son pays.

HÉCUBE. - J'attendais la poésie à ce tournant. Elle n'en manque pas une.

ANDROMAQUE. - On meurt toujours pour son pays ! Quand on a vécu en lui digne, actif, sage, c'est pour lui aussi qu'on meurt. Les tués ne sont pas tranquilles sous la terre, Priam. Ils ne se fondent pas en elle pour le repos et l'aménagement éternel. Ils ne deviennent pas sa glèbe, sa chair. Quand on retrouve dans le sol une ossature humaine, il y a toujours une épée près d'elle. C'est un os de la terre, un os stérile. C'est un guerrier.

Jean GIRAUDOUX, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (Grasset).

ANALYSE Dans ce dialogue, Andromaque réfute tous les arguments qu'On lui présente pour faire l'éloge de la guerre : elle affirme que la vie quotidienne exerce suffisamment les qualités viriles de force et de courage. Priam invoque alors une autre thèse : le mépris de la mort grandit l'homme ; mais Andromaque refuse les illusions : ceux qui reviennent de la guerre sont tous un peu lâches. La jeune femme refuse pourtant de considérer comme une lâcheté le désir de sauvegarder la paix. Après une apostrophe d'Hécube au poète Démokos, Andromaque définit son idéal : la vie active du citoyen paisible est beaucoup plus utile à la patrie que celle du guerrier.

COMMENTAIRE Le passage essentiel se trouve dans la dernière partie du texte : « On meurt toujours pour son pays ! Quand on a vécu en lui digne, actif, sage, c'est pour lui aussi qu'on meurt. « Pour commenter ces lignes, vous pouvez vous reporter au G.P.B. 861 (PP. 47-51, no 15) qui traite ce thème sous la forme d'une dissertation entièrement rédigée.   

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