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EXPLIQUER ET COMPRENDRE ?

Publié le 14/03/2004

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« cette disposition d'esprit qui nous rend connaturels à autrui, qui nous permet de ressentir ses passions, de repenser ses idées sous la lumière même qui les lui fit connaître comme vérité «. Le meilleur historien est donc celui qui « par sa structure mentale et sa propre expérience humaine « se trouve le plus proche des hommes d'autrefois qu'il étudie. Ce n'est pas l'impartial et indifférent Xénophon qui nous fait le mieux connaître Socrate, mais bien Platon. le disciple enthousiaste. Si G. Boissier a pu écrire un ouvrage magistral sur « l'opposition sous les César « c'est qu'il était lui-même un libéral aux prises avec le 11e Empire. De même Tocqueville, qui a renouvelé l'histoire des origines de la Révolution française en montrant le rôle de la noblesse à l'origine de la convocation des États généraux. doit sa lucidité au fait qu'il était lui-même un aristocrate spontanément attentif aux conflits séculaires entre la royauté et la noblesse féodale. Toutefois la compréhension ne dispense aucunement dans le domaine' des sciences humaines -- de l'explication : Durkheim réclamait que l'on étudiât les faits sociaux « comme des choses «. Il demandait à la statistique, à l'histoire comparée d'établir en dehors de toute idée préconçue, de toute « divination « subjective, des relations constantes entre des faits sociaux.

Expliquer = donner une cause nécessaire et suffisante de ce phénomène ;

Comprendre = donner un faisceau de raisons qui permet de saisir le plus rationnellement possible ce qui rend possible tel phénomène. La rationalité suppose qu’on argumente, qu’on essaie d’être clair, qu’on évite l’argument d’autorité, etc.

« Si, dans les sciences humaines, la compréhension ne doit pas exclure l'explication, il convient d'ajouter qu'aurebours, dans les sciences de la matière l' « explication», au sens de Dilthey, est loin de représenter un idéalépistémologique suffisant.

Dilthey nous propose une conception de la science qui ne dépasse pas l'empirisme deStuart Mill ; pour Stuart Mill le savant se borne à constater qu'un phénomène (cause) est suivi d'un autre (effet).En réalité la science ne renonce pas à comprendre pourquoi cette succession a lieu, pourquoi elle ne peut pas nepas avoir lieu.

La constatation d'une coïncidence, même répétée (ce qu'on a appelé assez improprement «explication »), n'est pas la compréhension de la nécessité d'une relation.

C'est ainsi qu'il y a des théories qui fontcomprendre ce que la loi énonce ; par exemple une théorie moléculaire fait comprendre les lois de dilatation ; l'idéalscientifique n'est-il pas dans une intelligibilité toujours croissante ? En réalité, comme le dit si bien Pradines,beaucoup plus que la constance des concomitances (répétitions des successions de « causes » et d' «effets»), lascience cherche « la constance des concomitants », autrement dit tente de révéler une identité entre la cause etl'effet, s'efforce de montrer, dit M.

Lalande, que «quelque chose se retrouve dans l'effet qui était déjà dans lacause, comme le plasma germinatif des parents passe à leurs descendants ».

L'idéal, remarque E.

Meyerson, c'estd'identifier de proche en proche les phénomènes les uns aux autres comme en mathématiques où une propositionn'est démontrée que lorsqu'on l'a ramenée et proprement identifiée aux théorèmes déjà admis.

Sans doutel'explication scientifique ne parvient pas à cette compréhension mathématique intégrale.

Mais elle y tend comme àson idéal.

N'oublions pas en tout cas que la découverte scientifique n'est pas la constatation naïve de successionsempiriques, mais d'abord l'invention d'une hypothèse.

II s'agit fondamentalement de comprendre un fait en l'intégrantà un système intelligible.

Lorsque Torricelli, pour rendre compte de la hauteur du mercure dans le tube expérimental,se représente un tube en U dont le mercure emplirait la première branche, l'autre étant occupée par une substancequi lui ferait exactement équilibre et qu'il suppose que cette substance n'est pas autre chose que l'airatmosphérique, nous avons l'impression de parfaitement comprendre.Le contrôle expérimental ne vient qu'ensuite pour vérifier une idée qui s'est d'abord proposée par son intelligibilité ;comme il y a une compréhension de type psychologique, propre aux sciences humaines, il y a une compréhension detype logique ou mathématique propre aux sciences de la nature.

La théorie de Dilthey revient à nier la rationalitéspécifique des sciences expérimentales : à le croire les sciences de la nature se contenteraient de décrire, seulesles sciences humaines feraient e comprendre »En fait il s'agit tout simplement de deux formes de compréhension.

Celle dont parle Dilthey n'est peut-être pas, aupoint de vue de la pure intelligibilité, la plus satisfaisante.

Dilthey (1833-1911) se rattache aux courantsantirationalistes du romantisme allemand : sans doute ne va-t-il pas aussi loin que le grand poète romantiqueNovalis qui prétendait « \comprendre » (psychologiquement) la nature tout entière, l'âme humaine devant « semettre à l'unisson avec l'âme du monde ».

Ici c'est l'affectivité qui remplace la pensée mathématique comme étalonde toute compréhension possible ! Dilthey s'inspire plus directement de l' « herméneutique » de Schleiermacher,penseur religieux qui, pour s'opposer aux négations de l'Aufklarung, considère la religion comme une « vie » plutôtque comme une activité spéculative et demande à l'exégète de tempérer l'exercice de l'esprit critique par la « vertudu respect » certes les sciences humaines doivent adapter leurs méthodes aux caractéristiques de leur objet ; maisil serait fâcheux.

sous prétexte de sympathie, de faire taire ici les exigences de l'analyse critique.. »

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