Explication du texte de Nietzsche, extrait de Humain, trop humain : « Ces deux points de vue suffisent à expliquer toutes les mauvaises actions exercées par des hommes sur les hommes : on veut son plaisir, on veut s'éviter le déplaisir. »

Si les hommes agissent toujours en fonction de leur bien, on ne peut pas les incriminer au nom de leur libre-arbitre, puisqu’ils ne peuvent pas faire autrement que ce que leur puissance les dispose à faire. Dès lors, ce n’est pas leur liberté qu’il faut évaluer, mais la qualité de leurs intentions. Nietzsche ne délivre pas ici de critères en fonction desquels évaluer ces intentions. Sa démarche est avant tout destructrice : il veut libérer les hommes de la chape de culpabilité qui pèse sur leurs épaules pour les rendre à leur innocence originelle et restaurer leur créativité. On peut néanmoins s’interroger sur la viabilité d’une société dans laquelle tous les hommes se penseraient comme innocents. Comment justifier la sanction pénale ? Celle-ci garderait sa raison d’être mais comme conservation du tout social. Sa fonction manifeste serait beaucoup plus pragmatique et moins moralisatrice. Par ailleurs, tous les individus ne sont pas prêts à ressaisir pour eux-mêmes leur innocence originelle. Une telle prise de conscience implique d’assumer en première personne la dure tâche d’instituer des valeurs nouvelles. Face à cette abîme, il y a fort à parier que les hommes se réfugieront dans le giron de la morale commune, au prix d’une culpabilité rassurante.