Devoir de Philosophie

Evadné par René Char

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

char
Vous ferez de ce texte un commentaire composé de façon à mettre en lumière sa richesse poétique. Vous pourrez, par exemple, montrer comment la puissance suggestive des mots et des images traduit à la fois l'éblouissement amoureux et la splendeur native du monde. Vous vous abstiendrez seulement de présenter un commentaire linéaire et de dissocier artificiellement le fond et la forme. Introduction : René Char fut un moment très proche du surréalisme, puis s'en éloigna. Mais il garda de cette expérience le goût du mystère verbal, le sens de la richesse des possibles poétiques, ce qui rend sa poésie parfois difficile d'accès. L'une de ses sources majeures d'inspiration — comme pour les romantiques — est le dialogue de la Nature et de l'Homme. C'est ce thème que nous retrouvons dans Évadné, avec l'évocation d'un Eden, lieu privilégié de l'éblouissement amoureux. Remarques rapides de forme Évadné est un poème écrit en vers libres, non rimés, avec cependant quelques assonances, comme escadre/tendres, règne/retienne. Les vers sont d'inégale longueur mais il y a une nette dominance de l'alexandrin régulier, coupé à l'hémistiche, ce qui tend à donner au poème une harmonie régulière. Le plus souvent le vers correspond à une phrase, ce qui est également un facteur de régularité, de calme. A deux reprises cependant la phrase s'allonge sur plusieurs vers, le rythme devient plus large, plus lyrique (v. 7 à 9, et v. 12 à 15).
char

« On note une présence animale liée aux champs : le corbeau.

Le corbeau est traditionnellement associé à des visionsde mort, de malheur.

Or ici il est au contraire associé à des images de bonheur.

Il est vu par ailleurs comme solitaire: « déviant de l'escadre».

On pourra apprécier le rythme et les sonorités de ce vers qui rend le vol lourd etmajestueux du corbeau :«Un corbeau / rameur sombre // déviant de l'escadre » ; on y trouve à la fois :— une césure lyrique après sombre (césure après un e atone) qui met en valeur le mot sombre ;— une diérèse sur « déviant » qui décompose ce mot, comme se décompose l'envol du corbeau loin de « l'escadre »;— un jeu sur les sonorités rb / r / br / dr. III.

L'union avec la Nature. Dans cet Eden, ne règne pas seulement l'entente des membres du couple mais aussi: 1.

L'entente paradoxale des concepts.(v.

3) « Avidité et contrainte s'étaient réconciliées ».

Le premier terme désigne quelque chose d'effréné, le secondest au contraire l'expression de la retenue.

Dans l'Eden les contraires trouvent leur résolution. 2.

L'accord de l'Homme et du monde.a) Cet accord est présent dès le premier vers, et il conclut le poème :— (v.

1) « L'été et notre vie étions d'un tenant » ; on remarquera l'accord, grammaticalement très libre, du verbe àla 1re personne du pluriel (à tirer, pour le sens, de « notre vie »), qui souligne d'autant plus l'unité du couple et dumonde qui l'entoure ;— dernier vers «La terre nous aimait un peu je me souviens » ; la modestie de « un peu » est contrariée par l'effetglobal du sujet « la terre ».b) A deux reprises, le rythme devient plus ample et traduit l'élan du monde vers l'homme ;— d'abord par l'image du corbeau (cf.

plus haut) qui « accompagnait notre entente aux mouvements tendres » ;— ensuite par celle du vent.

Il est « insomnieux » (néologisme, indiquant qu'il est porteur d'insomnie) et « ride lapaupière » mais c'est avec l'accord de l'Homme : «En tournant chaque nuit la page consentie» (cf.

l'image du grandlivre de la vie que l'on trouve déjà chez les romantiques).

Le vent a une volonté propre : [il].« veut que » et cettevolonté consiste en la recherche d'une osmose entre le couple et le monde ; le bonheur de ce couple doit sepropager à un monde qui est encore dans la souffrance, en opposition à l'Eden « un pays d'âge affamé et de larmiergéant » (emploi détourné du mot larmier, fondé sur sa sonorité proche des larmes). Conclusion Dans ce poème, d'un abord assez difficile, les images s'ordonnent pour donner au lecteur une sorte de vertigedevant une harmonie à la fois douce et violente, précaire et durable.Mais cet Eden évoqué par René Char est vécu au passé (cf.

emploi de l'imparfait) et s'il a pu durer « d'adorablesannées », il n'est plus que souvenir (« je me souviens »).

Nous retrouvons ici le grand thème lyrique du Paradisperdu : « Évadné » contient le mot « Eden », mais peut renvoyer aussi à « évanescent » ou « évanoui ». »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles