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ÉPICTÈTE : Manuel

Publié le 13/10/2013

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Un paradoxe du Manuel que nous a laissé Arrien est qu'il développe presque exclusivement la question de l'usage du désir (en particulier au chap. II) et celle de l'usage de l'impulsion (chap. XXX-XXXII, à propos des choses qui, indifférentes en elles-mêmes, doivent cependant être l'objet de notre action quotidienne), pour ne faire qu'allusion à l'usage du jugement, pour¬tant le plus fondamental. Mais c'est que l'essentiel est dans l'application pratique des principes2 ; les spécula¬tions sur la logique du jugement ici n'ont pas leur place. Il ne faut donc pas espérer découvrir dans le Manuel de quelle manière l'esprit comprend lui-même ses représentations dans l'assentiment3, ni attendre sur ce point davantage d'une oeuvre entièrement tournée vers l'exercice. Mais c'est déjà bien assez pour nous qui ne sommes même pas en mesure de mener une véritable lecture éthique, et qui avons plus de facilité à commenter un texte qu'à appliquer les principes. Reprenons à notre propre compte ce qu'Epictète disait à propos de l'explication des livres d'un des pères anciens du stoïcisme : s Lorsque j'ai trouvé l'in¬terprète, il reste à mettre les préceptes en pratique, et cela seul est glorieux. Mais si je n'admire que l'inter¬prétation, n'ai-je pas abouti à n'être rien d'autre, au lieu de philosophe, que grammairien ? 

« 206 GRADUS PHILOSOPHIQUE communément du stoïcien - n'implique pas une sou­ mission aveugle.

C'est bien dans ce cadre politique qu'il faut comprendre le bannissement d'Epictète, vers l'an 94, par l'empereur Domitien, avec tous les philosophes.

Il se réfugia sur la côte grecque, à Nico­ polis, et continua ses leçons dans une nouvelle école, attirant en particulier un auditoire de jeunes Romains appelés à des responsabilités publiques.

Et c'est encore un homme politique, en la personne d' Arrien, qui, après avoir suivi ces cours, a rassemblé ses notes dans les huit livres des Entretiens, dont les quatre der­ niers sont perdus.

Le Manuel reprend et réorganise l'essentiel des Entretiens, et c'est, en ce sens, à un degré supérieur une œuvre d'Arrien.

Le Manuel ne doit cependant pas être compris comme un simple résumé des Entretiens; bien des aspects des Entreziens ne se retrouvent pas dans ce texte qui est tout entier orienté par un nou­ veau souci éditorial, à savoir une fin purement pra­ tique.

Le Manuel, c'est-à-dire l'encheiridion, le poi­ gnard qu'on a sous la main pour affronter toute éventualité, est voué à l'efficacité éthique.

Il est bref et incisif par nécessité.

Telle est la singularité du Manuel: il ne faut pas attendre de lui l'exposition de la doctrine d'Épictète, il n'a pas pour but de mani­ fester ce qu'Épictète aurait voulu dire à un lecteur, mais plutôt de faire accomplir au lecteur quelque chose.

Quel est le lecteur du Manuel? L'intention d'Arrien ne fait pas de doute : le Manuel ne s'adresse pas au sage, qui n'en a pas besoin, mais à ceux qui, parmi les non-sages, sont en progrès, c'est-à-dire s'exercent à la sagesse.

Il convient d'insister sur le fait que voir dans Je Manuel un texte de philosophie comme un autre, ou tout simplement un texte au sens où les modernes peuvent l'entendre, constitue déjà un risque de contresens : le Manuel n'invite ni au commentaire, ni à la spéculation, mais d'abord à l'exercice 1 • Ce contre- !.

Manuel, chap.

LII, p.

208.. »

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