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Émaux et Camées, Gautier : Fiche de lecture

Publié le 13/12/2018

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Émaux et Camées

 

Dans son Rapport sur les progrès de la poésie en 1867, Gautier minimisait son recueil Émaux et Camées, en estimant qu’un tel titre reflétait bien son « dessein de traiter sous forme restreinte de petits sujets, tantôt sur une plaque d’or ou de cuivre avec les vives couleurs de l’émail, tantôt avec la roue du graveur de pierres fines, sur l’agate, la cornaline ou l’onyx... ». Ce fut pourtant le recueil auquel il travailla le plus, l’enrichissant de réédition en réédition, et la richesse, la variété de l’inspiration y reflètent, dans les thèmes comme dans la structure du vers ou de la strophe, les contradictions intimes du poète.

 

Dans son édition, accompagnée de l’iconographie qui a directement inspiré Gautier, M. Cottin a montré que « l’image règne en maître » dans ce recueil, où abondent les transpositions d’art : poème-tableau ou poème-œuvre sculpturale naissent spontanément sous la plume du poète. L’importance donnée à la sensation visuelle est primordiale; le poète joue avec virtuosité et somptuosité sur les couleurs, variant à l’infini les nuances

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« Mais le caractère pictural, hiératique du monde vu - et rêvé -par le poète laisse place, malgré les prises de position théoriques de Gautier, à d'autres lectures possibles du recueil.

Celui-ci n'est pas seulement «un recueil d'un art parfait et vain >>, suivant la formule employée par René Jasi,nski pour résumer les critiques traditionnelles faites à Emaux et Camées : à travers les perfections de la forme se trahissent les rêves et les angoisses du poète.

L'hymne à la beauté (et surtout à la beauté du corps féminin, si bien traduite dans l'art grec) est non seule­ ment désir d'atteindre à cette beauté par le vers, mais est aussi accompagné d'une prise de conscience douloureuse du caractère éphémère de cette beauté : la hantise de la statuaire peut donc être ressentie par le lecteur comme l'effort, fou et désespéré, du poète pour fixer l'insaisissa­ ble, mais surtout pour vaincre l'éphémère, triompher de 1' instant et de la mort.

L'hymne à la beauté n'occulte que très partiellement la personnalité du poète.

Même si les confidences direc­ tes à la première personne sont rares, l'esthétisme laisse percer, dans sa quête même, les passions de l'auteur: désir effréné d'amour, qui n'est pas seulement recherche d'un plaisir pur dispensé par la beauté et la sensualité, mais qui est engagement de toutes les forces vives du poète; l'amour a exercé sur lui une fascination telle qu'il accepterait volontiers de commettre toutes les violences, voire de se perdre lui-même, pour le goOter dans sa plénitude.

Violence contenue et passion s'accompagnent bien souvent d'une tristesse incommensurable quand le poète, mal à l'aise dans la condition humaine, fait le compte de ses «peines d'amour perdues>>, de ses «souffrances passées >>, évoque le« spectre de ses rêves >>, et qu'il est tenté par le suicide, ou, au contraire, quand il se révolte contre l'idée d'une mort totale: «En se quittant chaque parcelle 1 S'en va dans le creuset profond 1 Grossir la pâte universelle 1 Faite des formes que Dieu fond>>.

D'où le désir insatiable du poète à la recherche d'un ailleurs dont les formes sont infinies : un ailleurs géogra­ phique où il subit ,tour à tour la tentation de l'éclat aveu­ glant du ciel d'Egypte ou celle du ciel passionné et coloré de tons fauves d'une Espagne imaginaire; un ail­ leurs temporel où le poète boit à la source, douce et amère à la fois, des souvenirs de sa jeunesse (cf.

« le Château du souvenir»), ou à la source du passé du monde occidental, quand il retrouve l'esthétisme limpide de l'art grec, qu'il appelle à son secours pour« couvrir [le] squelette gothique >>; un ailleurs métaphysique enfin, où le poète échappera à la torture du doute quand « l'âme habituée aux ténèbres 1 Y verra clair dans le tombeau! >> ou à la torture de toutes les dualités, celle de l'homme ou celle du couple, toujours soulignée par la différence des sexes.

Si le lecteur moderne écoute la leçon du poète : Oui l'œuvm sort plus belle D'une forme au travail Rebelle, Vers, marbre, onyx, émail [ ..

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] Sculpte, lime, ciselle : Que ton rêve flottant Se scelle Dans le bloc résistant, rien ne l'empêchera, tout en admirant l'habileté avec laquelle l'artiste a ciselé le marbre résistant, d'être sensi­ ble au « rêve flottant » dont les ondes de résonance affleurent dans la perfection même de la forme.. »

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