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Dans son Journal Alfred de Vigny inscrit ce projet de poème : Poème. Les animaux lâches vont en troupes. Le lion marche seul dans le désert. Qu'ainsi marche toujours le poète ! Cette image n'éclaire-t-elle pas : l'attitude de Vigny devant la vie; l'idée qu'il se fait d'une mission du poète; le caractère de son oeuvre.

Publié le 07/05/2011

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Ce Projet de poème est particulièrement intéressant parce qu'il constitue une véritable confidence de Vigny sur son oeuvre. Or Vigny n'use guère du moi. Il méprise la publicité et les aveux d'auteur : Un homme qui se respecte n'a qu'une chose à faire : publier, ne voir personne et oublier son livre (Journal d'un poète, 1842). Dans ses poèmes, dans ses préfaces mêmes, il dérobe sa personnalité sous des symboles, qui ne sont pas toujours aussi transparents que celui de La Mort du Loup. Ici, au contraire, l'image à peine dessinée est aussitôt expliquée. Le lion, c'est le poète. Le poète doit éviter la foule; son isolement est non seulement un état de fait, mais une obligation et un but, d'où l'injonction : Qu'ainsi marche le poète! La pensée suivante précise le symbole : Les bêtes fauves suivent le voyageur dans le désert... Quand il est mort et déchiré par pièces, elles lèchent son sang sur le sable... et, lors même qu'il ne reste plus que les longues côtes vides et arrondies comme la carène d'un vaisseau naufragé, l'hyène et le tigre dévorent son ombre. Ainsi fait la multitude de l'homme éminent (ibid., 1844).

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« idéal dans Moïse, symbole de l'homme de génie :Ce grand nom ne sert que de masque à un homme de tous les siècles et plus moderne qu'antique : l'homme degénie, las de son éternel veuvage.

Stella (1832) reprend le même thème en insistant surtout sur l'indifférence desgouvernements à l'égard des penseurs : la royauté laisse mourir de faim Gilbert, la république guillotine AndréChénier, la société industrielle propose à Chatterton une place de valet. Quel est donc le rôle du poète dans la société moderne ? Le poète, répond Vigny par la bouche de Chatterton,cherche aux étoiles quelle route nous montre le doigt du Seigneur... Or cette route est celle de la pitié.

S'il est vrai que Vigny ne verra jamais une assemblée d'hommes quelconquessans se sentir battre le coeur d'une sourde colère contre eux, à la vue de l'assurance de leur médiocrité, il corrigeaussitôt ce mouvement d'humeur : J'aime l'humanité.

J'ai pitié d'elle.

Cette pitié, il veut la communiquer au peuple;aussi transforme-t-il l'épisode de Chatterton en pièce de théâtre.

De même, il révèle à la foule l'autre paria destemps modernes, le Soldat, dans Servitude et Grandeur militaires.Cette pitié est ambitieuse, elle veut donner à l'homme le sens de la grandeur, d'où une nouvelle conception de lapoésie :J'ai nommé ces poèmes Elévations parce que tous doivent partir d'une image toute terrestre pour s'élever àdes vues d'une nature plus divine et laisser l'âme qui me suivra dans des régions supérieures : la prendre sur terre etla déposer aux pieds de Dieu. C.

Le caractère de son oeuvre.L'inquiétude religieuse: Dès ses premières oeuvres, Vigny s'est assuré une place à part dans le romantisme, évitantà la fois les effusions du coeur et les débauches de couleurs, l'abus des épithètes et la rime facile.

Sa pensée estferme et enveloppée dans une forme somptueuse, mais sobre.

Souvent, elle se tourne vers la prière, transformationfréquente chez les Romantiques, mais le sentiment religieux de Vigny ne ressemble ni au déisme de Lamartine, ni aupanthéisme de Victor Hugo; c'est une prière qui s'adresse à un autel vide, l'inquiétude devant l'énigme de ladestinée, l'angoisse d'un Pascal qui n'aurait pas encore trouvé le salut et que le silence des espaces infinis effraye. Si le ciel nous laissa comme un monde avorté,Le juste opposera le dédain à l'absenceEt ne répondra plus que par un froid silenceAu silence éternel de la Divinité (Le Silence, 1862). A supposer même que ces vers hautains ne constituent pas la conclusion de toute l'oeuvre, leur dur accent a uneoriginalité évidente qui apparente Vigny plutôt à Leconte de Lisle qu'à l'école romantique. Exemple : La Maison du Berger. Le poète invite la mystérieuse Eva, symbole de la Femme, à le suivre dans la maison du berger, véhicule peumoderne, mais plus poétique que le chemin de fer.

Car la poésie est la véritable bienfaitrice de l'humanité, et non levain progrès matériel.

Mais la poésie, si pure soit-elle, a besoin d'un appui et c'est la Femme qui le lui fournit,puisque la Nature est silencieuse et indifférente : Ne me laisse jamais seul avec la Nature;Car je la connais trop pour n'en pas avoir peur. Cette Nature, indifférente ou hostile, offre pourtant de magnifiques spectacles qui touchent l'artiste et le rêveur : La Nature t'attend dans un silence austère;L'herbe élève à tes pieds son nuage des soirs,Et le soupir d'adieu du soleil à la terreBalance les beaux lis comme des encensoirs.La forêt a voilé ses colonnes profondes,La montagne se cache, et sur les pâles ondesLe saule a suspendu ses chastes reposoirs. La nature est une cathédrale où le poète découvre derrière chaque colonne de mystérieux symboles.

Tout lepassage a un accent religieux, souligné par les termes encensoirs et reposoirs, dont Baudelaire se souviendra dansHarmonie du soir : Voici venir les temps où vibrant sur sa tige. »

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