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Dans quel sens peut-on dire que : « Si la Raison venait uniquement de l'Expérience il n'y aurait pas de Raison » ?

Publié le 13/03/2011

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Il est un fait indéniable pour quiconque essaye d'analyser ces exigences fondamentales sous-tendant tout acte de connaissance et désignées sous le nom de Raison, c'est que non seulement il est impossible de les dégager de l'Expérience où elles sont amenées à prendre corps, mais que, de cette matière où elle vient s'incarner jusqu'à former avec elle un ensemble indissoluble, la Raison tire le principal secret de sa valeur. D'où la tendance à enrichir sans cesse la liste des cadres rationnels et à les présenter sous une forme toujours plus concrète, ce qui conduit toujours davantage à les tenir pour issus de l'expérience. Seulement il est un fait non moins évident, c'est que l'accumulation de ces cadres lourds de l'apport expérimental, loin d'exprimer la nature fondamentale de la Raison, ne parvient qu'à en dissimuler l'Essence.

« Et d'autre part, en vertu de sa réduction à une forme abstraite, la Raison arrivera à prendre un caractère négatif, àne plus constituer qu'une série de barrières, aussi souples sans doute que l'on voudra mais, en tout cas, incapablesde rendre compte de cette progressivité, de cette fécondité inhérentes à la fonction constructrice de la Raison.

Onne construit pas avec rien et encore moins avec des obstacles. D'ailleurs si nous nous attachons non plus à la considération des fins poursuivies par la Raison, mais à L'analyse deson fonctionnement même, nous constaterons par ce nouveau biais qu'on ne saurait dépouiller l'Entendement detoute détermination sans risquer d'en laisser disparaître l'essence. Supposons en effet que l'on définisse cet Entendement sous la forme la plus pauvre, la plus générale possible,comme une activité d'unification encore faudra-t-il réaliser une condition fondamentale pour que l'exercice de celteactivité d'unification soit possible.

Il faudra des objets ô, unifier.

On n'organise pas une poussière perpétuellementchangeante d'impressions qui équivaudrait en somme à un pur néant.

L'établissement de relations ne saurait s'établirqu'entre des « données ».

Ces données, il est possible que la Raison même y parvienne par un premier travaild'unification et nous aurons à revenir sur ce point.

Mais pour l'instant, peu importe, qu'elles soient un point dedépart ou un premier résultat, que la Raison les trouve ou les obtienne, l'essentiel c'est que cette Raison « les exige», qu'elle refuse le total changement et suppose dans toutes ses opérations l'existence d'éléments fixes, d'idées quisoient elles-mêmes et non leur contradictoire.

Que resterait-il de la Raison sans un tel besoin « de stabilitéintellectuelle » classiquement désigné sous le nom de « Principe d'Identité ». Ainsi l'exigence d'unification n'est pas quelconque, elle est déjà orientée. A vrai dire, certains penseurs ont pu soutenir qu'il n'y avait pas à dépasser cette première détermination, quel'exigence d'Identité suffisant à poser les notions suffisait encore à les relier.

D'après eux, une fois réalisés desconcepts fixes, l'esprit porté par son mouvement au delà des résultats obtenus chercherait à retrouver sous cesconcepts eux-mêmes en apparence divers quelque chose d'identique, susceptible de les réunir, si bien que le feudifférent de la fumée se confondrait à certains égards avec la fumée, que la pluie à l'analyse se réduirait au nuage,que l'énergie calorifique se ramènerait à l'énergie cinétique. Mais on fera remarquer à bon droit que le besoin de stabilité n'exprime que partiellement l'exigence d'un esprit quisans doute oppose à la dispersion un effort unificateur mais qui invinciblement cherche à réaliser un Progrès aucours de cette unification même. Gomment rendre compte d'une relation de cet ordre, comment expliquer qu'un fait trouve sa source dans un autrefait sans y être contenu ? Peu importe puisqu'il s'agit ici de constater des exigences mentales et non d'en fournirl'explication.

Or, à prendre les choses de ce biais, il semble bien que l'originalité de la relation causale, c'est-à-direde la raison de deux phénomènes dont l'un ne saurait être réduit à l'autre, soit hors de discussion et qu'au principed'identité puisse ainsi légitimement être adjoint un principe de causalité. Mais ces principes fondamentaux ne sont isolables que par abstraction au sein d'une structure mentale qui sembletout entière pouvoir être intégrée au domaine de la Raison. Ces relations établies en effet entre des termes clairement et distinctement posés, elles ont trait à un nombrevariable d'objets, elles sont soit affirmées, soit niées, et cela purement et simplement ou avec un caractère denécessité.

C'est à une telle spécification de la fonction d'unifica tion que répond l'établissement d'une liste decatégories, telle que nous la fournit par exemple la philosophie critique. Seulement, c'est là un chemin sur lequel il est bien difficile de s'arrêter. A mesure en effet qu'on poursuit sur ce point l'analyse, on voit les1 cadres de la Raison se multiplier, toute matièrede savoir devenant forme par une de ses faces, toute connaissance devenant une règle applicable auxconnaissances à venir. Kant n'a pas été sans tirer cette conclusion avec toute la rigueur possible, lui qui! multiplie les intermédiaires entreles cadres constitués par les catégories et l'expérience à laquelle ces cadres s'appliquent, montrant par cettetentative même pour préciser les frontières de l'entendement l'instabilité des limites séparant le savoir de l'activitésusceptible de l'organiser. Inévitablement, la philosophie critique aurait été conduite dans ces conditions à chercher dans l'Expérience l'originede certaines des formes rationnelles si Kant n'avait été à même de faire appel à ce qui constitue un ressortfondamental de sa doctrine : L'Idéalité de l'Espace et du Temps retranchés ainsi de l'Expérience externe. C'est en effet d'une sorte de chimie mentale où entrent comme composants les catégories et le Temps tenu pourune espèce de matière interne que la Philosophie critique a pu extraire, sans sortir de la Pensée, des intermédiairesde plus en plus étroitement adaptés à l'Expérience tels que les Schèmes et les Principes. Mais il est aisé de constater qu'une semblable délimitation est arbitraire.

Acceptons même en effet l'hypothèseassez discutable qui fait jouer au Temps le rôle d'une Intuition intérieure dont sortiraient sous l'action des catégories. »

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