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Cours: THEORIE ET EXPERIENCE (3 de 7)

Publié le 22/02/2012

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theorie

3.     Le troisième genre de connaissance, ou connaissance intuitive : celui qui voit chaque chose, chaque événement, comme découlant de la nature divine, c’est-à-dire de la nécessité naturelle. Il connaît toute chose dans sa singularité et son lien avec la totalité. Il n’est plus hanté par la crainte. Il éprouve la joie la plus haute. A ce stade “connaître” et “aimer” est une seule et même chose.

-        On peut également penser le rapport entre la connaissance scientifique et l’opinion, à la façon de Bachelard dans La formation de l’esprit scientifique. La science ne peut exister qu’au prix d’une rupture épistémologique avec l’opinion qui “en droit a toujours tort”. L’élaboration du savoir sa fait en terme « d'obstacle épistémologique «, concept qui désigne les lenteurs et les troubles internes à l’acte même de connaître. C’est dire qu’on « connaît contre une connaissance  antérieure, en détruisant les connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit même, fait obstacle à la spiritualisation « (Bachelard, op.cit.). La vérité peut alors être considéré comme un « véritable repentir intellectuel «.  

-        L’opinion est par nature indifférente à toute explication d’un phénomène qu’elle ne fait que constater; elle ne s’y intéresse d’ailleurs qu’en fonction de l’utilité qu’elle peut en retirer. De sorte que, pour la connaissance scientifique, l’opinion ne peut jamais proposer un  point d’appui : elle constitue bien un “obstacle épistémologique”, c’est-à-dire une mentalité dont la constitution empêche ou freine l’apparition de l’attitude scientifique. Ensemble de représentations scientifiques ou non scientifiques empêchant une science donnée, à un moment donné, de poser correctement les problèmes, les « obstacles épistémologiques « résident à l’intérieur même de la pensée, dans les profondeurs inconscientes, culturelles, du psychisme  

-        La science s’oppose donc à l’opinion qui a, en droit, toujours tort, qui « pense mal « ou qui « ne pense pas « ; l’opinion est le premier obstacle à surmonter et à détruire. Bachelard parle de « rupture épistémologique « pour signifier l’acte intellectuel par lequel une science surmonte ses « obstacles épistémologiques « en remodelant ses principes explicatifs.

-        Ce n’est donc qu’en rompant avec les approches de la connaissance commune, c’est-à-dire en se détournant de la perception et en mettant au point une démarche expérimentale posant à la nature des questions précises, que le rationalisme scientifique se met en place. Ce qui caractérise, en effet, l’esprit scientifique, c’est le sens du problème : « toute connaissance est une réponse à une question… «.  

-        La notion d’obstacle épistémologique évoquée ci-dessus peut être étudiée aussi bien dans le développement historique de la pensée scientifique que dans la pratique de l’éducation : comment un concept en a produit un autre et s’est lié avec un autre (problème de la formation des concepts scientifiques) ; comment les élèves eux-mêmes ne comprennent pas tel ou tel problème scientifique (problème de la psychologie de l’erreur, de l’ignorance ; notion parallèle d’obstacle pédagogique). La culture scientifique doit commencer par une « catharsis intellectuelle et affective « qui consiste à changer de culture expérimentale, à renverser les obstacles amoncelés par la vie quotidienne.  

-        Comme chez Platon, l’esprit scientifique suppose une conversion intellectuelle, une pédagogie de la rupture, une véritable « psychanalyse «.  Ainsi l’expérimentation scientifique diffère-t-elle par nature de l’expérience première : les faits scientifiques sont construits à travers un réseau de médiations instrumentales et technologiques « (les instruments sont des réalisations techniques de théories) ; l’observation scientifique porte qui plus est sur des phénomènes qui sont les produits de tout le travail de rationalisation et d’abstraction de la science (la mathématisation notamment). Le réel scientifique n’est donc pas le réel de la perception : il est le résultat d’une épuration, d’une déconstruction des apparences, d’un monde de « pensées vérifiées «. Au total, « l’abstraction est la démarche normale et féconde de l’esprit scientifique « (Bachelard, op. cit.).  

-         Bachelard propose ainsi trois grandes périodes dans les différents âges de la pensée scientifique :  l’état préscientifique (antiquité jusqu’au XVIIIe siècle), l’état scientifique (XIXe siècle, début du XXe siècle), le « nouvel esprit scientifique « (commence en 1905 avec la théorie de la relativité d’Einstein). Ces trois âges de la science correspondent peu ou prou aux trois états de la connaissance : l’état « concret « où la nature est glorifiée, l’état « concret-abstrait « où « l’esprit adjoint à l'expérience physique des schémas géométriques et s'appuie sur une philosophie de la simplicité «, l’état « abstrait « où l’esprit se détache de l’expérience immédiate.

 

-        On doit donc considérer que la connaissance commune, non seulement a toujours tort du point de vue de la connaissance scientifique, mais aussi que sa façon d’avoir tort interdit toute transition vers la science. Bachelard montre bien que l’histoire des sciences est une perpétuelle rupture, une révolution permanente dans laquelle les idées viennent contredire d’autres idées, les faits d’autres faits. Il existe une progression des concepts et des théories qui s’effectue davantage par correction d’erreurs antérieures que par accumulation d’un savoir entièrement nouveau. La connaissance scientifique s’accompagne en permanence d’esprit critique.

Conclusion

-        L’expérience est donc désavouée, chez Platon, au nom de la raison et de ses exigences tant intellectuelles que morales et politiques ; la réalité qui correspond au véritable savoir est celle d’un monde transcendant et séparé d’essences pures (les Idées). Le rationalisme cartésien assigne au doute, à l’attention et à la méthode la tâche de fonder la connaissance sur des bases solides et indubitables, de sorte que connaître, c’est à la fois douter et organiser méthodiquement la faculté naturelle de distinguer le vrai du faux. Pour Bachelard, enfin, la science se constitue en récusant l’expérience première de l’opinion et de la perception : le savoir et l’expérimentation scientifiques (bien distinguer ici expérience et expérimentation), loin d’être observations spontanées, sont les résultats d’une production à la fois rationnelle et technique (ce point sera développé dans la suite du cours).

-         Pour Platon, en somme, le problème du rapport de la théorie et de l’expérience est posé par rapport à la question de l’Etre, dans une perspective réaliste, métaphysique et ontologique : la théorie est un rapport immédiat à l’Etre qui suppose une conversion spirituelle et existentielle (c’est le but de la philosophie !). Avec Descartes, l’interrogation se déplace vers une théorie de la connaissance et un examen des conditions de la science ; l’effort vers la vérité est alors fondé puisque la méthode permet d’ordonner le rapport de la volonté à l’entendement et de purifier l’esprit. Pour Bachelard, l’optique réaliste est elle-même un obstacle épistémologique et il s’agit de comprendre le rapport de la théorie et de l’expérience d’un point de vue génétique.

-        Dans les trois cas justement, la question des procédures de validation des théories n’est pas posée. Or, quel est le statut d’une théorie ? Peut-il y avoir un contrôle expérimental des théories ? Comment les énoncés scientifiques sont-ils justifiés et validés ?

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