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corpus bac français

Publié le 07/05/2014

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La question de corpus : cours et exemple Barème : Sur 4 points pour les séries S / ES et L, sur 6 points pour la série STG. Elle consiste en une question qui amène à comparer des textes portant sur le même objet d'étude, signalé clairement (pas de risque de confusion, donc !) Taille: il est parfois demandé de "ne pas excéder vingt lignes", mais le plus souvent, aucune limitation explicite de longueur de réponse n'est donnée. L'usage est de rédiger sur une à deux pages (un recto verso donc). La réponse tient en un seul "bloc", ce qui n'empêche pas les alinéas, afin de montrer les étapes dans la réponse. La réponse est en effet structurée. En aucun cas les élèves ne traiteront la question sous forme de catalogue : "Dans le texte A, puis dans le texte B, dans le texte C et enfin dans le texte D ...". On pourra sur les 4 H que dure l'épreuve d' EAF (= bac de français) consacrer 1h à la question de corpus et 3h à l'écriture choisie (dissertation, commentaire ou écrit d'invention, au choix). LES 5 ETAPES DE LA REPONSE A LA QUESTION DE CORPUS - Introduction: présentation synthétique du corpus proposé, en ajoutant quelques infos (on ne se contente pas de reformuler ou paraphraser le paratexte) sur le mouvement littéraire, le siècle, le genre concerné. NOTA BENE: cette partie de présentation du corpus est FACULTATIVE mais conseillée (car une présentation sérieuse donne d'emblée une bonne image du candidat, sérieux et cultivé !) - On rappelle la question posée (simple reformulation), - On distingue (libre choix, pourvu que l'on justifie et que l'on indique clairement le critère de distinction) deux groupes dans le corpus; les deux groupes peuvent être déséquilibrés, peu importe, si cela est justifié. - On développe, groupe après groupe, en se référant au texte (à l'aide d'exemples ciblés) et en avançant un "argument" principal qui va dans le sens de ce que l'on avance. On ne rentre pas dans les détails, on ne cherche pas à tout dire, on dit l'essentiel, l'évident, l'intéressant. - On conclut en récapitulant très sommairement ce que l'on vient de dire, puis on propose une ouverture. Pour cela deux méthodes: soit on met un texte en particulier à l'honneur parmi les textes du corpus en se prononçant rapidement sur son originalité, son efficacité ... OU BIEN (solution que personnellement je préfère): on propose (en restant modeste et prudent !) un texte qui aurait eu sa place, selon nous, dans ce corpus, parce que lui aussi pose le problème ou apporte un éclairage intéressant. 1/4 Rappels : 1/ on reste dans l'objet d'étude, 2/ et comme pour le commentaire ou la dissertation, on veille à respecter une énonciation neutre : pas de "je", on reste dans l'impersonnel ou l'anonymat d'un "on": "on note que", "on pourrait ajouter au corpus ce texte " ... A suivre : un extrait de question de corpus et un exemple de réponse à la question de corpus par un élève de première, puis la correction proposée, en guise de modèle. 1/3 : CORPUS DE TEXTES OBJET D'ETUDE : L'argumentation. Question de corpus : comparez et commentez l'art de l'argumentation dans ces trois textes. Texte A. VOLTAIRE, Candide (1759) Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie héroïque. Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum, chacun dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin ; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles, éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros, rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et les héros abares l'avaient traité de même. Texte B. VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, article « guerre » (1764) Un généalogiste prouve à un prince qu'il descend en droite ligne d'un comte dont les parents avaient fait un pacte de famille, il y a trois ou quatre cents ans avec une maison dont la mémoire même ne subsiste plus. Cette maison avait des prétentions éloignées sur une province dont le dernier possesseur est mort d'apoplexie : le prince et son conseil concluent sans difficulté que cette province lui appartient de droit divin. Cette province, qui est à quelques centaines de lieues de lui, a beau protester qu'elle ne le connaît pas, qu'elle n'a nulle envie d'être gouvernée par lui ; que, pour donner des lois aux gens, il faut au moins avoir leur consentement : ces discours ne parviennent pas seulement aux oreilles du prince, dont le droit est incontestable. Il trouve incontinent un grand nombre d'hommes qui n'ont rien à perdre ; il les habille d'un gros drap bleu à cent dix sous l'aune, borde leurs chapeaux avec du gros fil blanc, les fait tourner à droite et à gauche et marche à la gloire. Les autres princes qui entendent parler de cette équipée y prennent part, chacun selon son pouvoir, et couvrent une petite étendue de pays de plus de meurtriers mercenaires que Gengis Khan, Tamerlan, Bajazet n'en traînèrent à leur suite. 2/4 Des peuples assez éloignés entendent dire qu'on va se battre, et qu'il y a cinq à six sous par jour à gagner pour eux s'ils veulent être de la partie : ils se divisent aussitôt en deux bandes comme des moissonneurs, et vont vendre leurs services à quiconque veut les employer. Ces multitudes s'acharnent les unes contre les autres, non seulement sans avoir aucun intérêt au procès, mais sans savoir même de quoi il s'agit. Il se trouve à la fois cinq ou six puissances belligérantes, tantôt trois contre trois, tantôt deux contre quatre, tantôt une contre cinq, se détestant toutes également les unes les autres, s'unissant et s'attaquant tour à tour ; toutes d'accord en seul point, celui de faire tout le mal possible. Le merveilleux de cette entreprise infernale, c'est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d'aller exterminer son prochain. Texte C. CELINE, Voyage au bout de la nuit (1932) La torture du régiment continuait alors sous la forme nocturne, à tâtons dans les ruelles bossues du village sans lumière et sans visage, à plier sous des sacs plus lourds que des hommes, d'une grange inconnue vers l'autre, engueulés, menacés, de l'une de l'autre, hagards, sans l'espoir décidément de finir autrement que dans la menace, le purin et le dégoût d'avoir été torturés par une horde de fous vicieux devenus incapables soudain d'autre chose, autant qu'ils étaient, que de tuer et d'être étripés sans savoir pourquoi. Le colonel, c'était donc un monstre ! A présent j'en étais assuré, pire qu'un chien, il n'imaginait pas son trépas ! Je conçus en même temps qu'il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armée, des braves, et puis tout autant sans doute dans l'armée d'en face. Qui savait combien ? Un, deux, plusieurs millions peut-être en tout ? Dès lors ma frousse devint panique. Avec des êtres semblables, cette imbécillité infernale pouvait continuer indéfiniment... Pourquoi s'arrêteraient-ils ? Jamais je n'avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses. Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? Pensais-je. Et avec quel effroi ! ... Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu'aux cheveux ? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en auto, sifflants, tirailleurs, comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre, comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je m'étais embarqué dans une croisade apocalyptique. On est puceau de l'Horreur comme on l'est de la volupté. 2/3 : REPONSE POSSIBLE par un élève de PREMIERE (validée, conforme à la méthode) Nous avons affaire ici, à un corpus de trois textes, portant tous sur l'argumentation : les deux premiers textes sont de Voltaire (auteur incontournable des Lumières), tantôt pour un conte philosophique avec Candide et tantôt pour un article du Dictionnaire philosophique ; le troisième texte est de Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, datant du début du 20eme siècle. Il s'agira ici de comparer et d'étudier l'argumentation pour chacun des textes. Les textes A et C cherchent à persuader le lecteur, tandis que le texte B entend plutôt le convaincre. Les textes A et C cherchent à choquer le lecteur par un effet de surprise : le texte A est composé de deux paragraphes, le premier tendant vers l'apologie de la guerre (champ lexical de la beauté : l.1 « beau, leste, brillant ») tandis que le deuxième paragraphe consiste en une critique de la guerre (champ lexical de la mort l.7 « mort », « mourant », « mourir »). Le texte C veut également persuader et choquer le lecteur en misant tout sur l'expressivité, de sorte à créer un effet d'accumulation : dans un seul paragraphe on a déjà dix exclamations. En revanche, le texte B cherche à convaincre le lecteur de l'inutilité de la guerre : il utilise pour cela des arguments historiques (« Gengis khan, Tamerlan, Bajazet »), ainsi qu'un présent de vérité générale (fin du texte « c'est que chaque chef... »). Ces trois textes veulent convaincre et persuader des horreurs de la guerre ; on pourrait tout aussi bien ajouter à ce corpus « Le dormeur du val » de Rimbaud qui propose une image inattendue de la guerre, il propose un cadre très agréable et reposant, alors que l'on sait que ce soldat est mort. 3/4 3/3 : CORRECTION PROPOSEE Ce corpus est constitué de trois textes, portant tous sur la guerre, pour la dénoncer : deux textes de Voltaire d'abord, l'avocat fer de lance des Lumières, auteur du fameux conte philosophique Candide ainsi que du Dictionnaire philosophique censé concurrencer l'Encyclopédie de Diderot ; puis un texte issu du roman brutal et marquant Voyage au bout de la nuit par l'auteur controversé Céline. Il s'agira de montrer ici comment ces différents textes procèdent pour argumenter, ici contre la guerre. Nous distinguerons deux groupes : les textes A et C qui entendent persuader et le texte B, qui lui vise plutôt à convaincre de l'horreur de la guerre et de son imbécillité. Afin d'argumenter en défaveur de la guerre et de son scandale, les textes A et C, tous deux fictionnels (issu d'un conte pour Voltaire, d'un roman avec Céline) ont chacun leurs techniques ; pour le texte A la persuasion repose essentiellement sur des images particulièrement choquantes, ce qui explique la présence si ce n'est l'omniprésence d'un champ lexical de la violence : « mort », « égorger », « boucherie », « jambes coupées », « criblés de coups »... Le texte C lui aussi violent joue plutôt sur l'expressivité qui donne du poids aux mots et fait résonner dans l'oreille du lecteur l'expérience traumatique de Bardamu héros dépassé à la guerre : dans le seul second paragraphe, pas moins de cinq points d'exclamation et autant d'interrogations. Dans la persuasion, rien de tel que de l'impressionner, le marquer, jouer sur son imaginaire ou le faire trembler pour d'autant mieux l'amener à la réfléchir sur des choses gravissimes. En revanche, le parti pris par l'article « guerre » du Dictionnaire philosophique de Voltaire est celui de l'argumentation par la conviction : mais c'est un article qui ne respecte pas vraiment le schéma argumentatif, puisque la thèse n'y est pas clairement exprimée (elle se déduit d'après l'anecdote narrée : « la guerre ne sait faire que du mal »), l' arguments est également implicite (il faut comprendre que la guerre est absurde) ; en fait, l'article repose surtout sur un long exemple, donné sous forme de petite histoire racontée au présent de narration (« un généalogiste prouve... »). Cet exemple global qui couvre tout le texte se trouve lui-même renforcé par divers exemples : de type historique (mention de Bajazet et Tamerlan) ou de type religieux (« chaque chef des meurtrier [...] invoque Dieu avant d'exterminer son prochain. Voltaire procède dans son article « guerre » sur le mode de l'apologue mais au service d'un raisonnement logique : de l'histoire avec un petit -h- (l'anecdote) aussi bien que de l'histoire avec un grand -h- , il y a une leçon à tirer. Ce corpus de trois textes montre bien l'étendue des moyens offerts aux auteurs pour faire passer un discours de type argumentatif, selon qu'ils veulent agir sur l'imaginaire et les émotions ou bien sur la capacité logique du lecteur. Une autre alternative s'offre à eux : jouer ou sur la prose ou sur les vers, puisqu'une argumentation peut aussi s'exprimer de façon versifiée, pensons pour cela aux poèmes polémiques d'Aragon dans le Musée Grévin (1943) ou dans Les Yeux d'Elsa, qui dénoncent l'occupation allemande et la barbarie nazi. 4/4

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