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Publié le 16/02/2012

Extrait du document

Défenseur et captif altier du rite ancien,

Prophète du passé, tes lèvres sans souillure

Du charbon d'Isaïe ont gardé la brûlure...

Tu fus Mage et Pontife et tu n'inventas rien.

Quelque chose d'humain pleure, rit ou murmure

Dans les vibrations du luth aonien;

Quand sonne le clairon de cuivre, l'on sent bien

Que l'âme d'un vivant souffle en son embouchure :

Mais la cloche impassible envoie au ciel serein, Sans que rien de mortel tourmente son airain, Son chant religieux, sublime et monotone.

Cloche dont Jéhovah tient la corde en ses mains,

Ainsi ta grande voix, Bossuet, gronde et tonne

Loin de nos fronts d'argile et loin des bruits humains.

« Charmant, et un peu méchant « : C. Hémon qualifie ainsi ce sonnet, en le « glissant « dans la « pénombre « de ses études sur Bossuet. Les deux épithètes se peuvent justifier. Charmant,. parce que poétique et spirituel. Méchant, parce que notoirement injuste. L'éloge y est mesuré avec parcimonie, et la critique distribuée copieusement au plus grand de nos orateurs, à l'un des premiers écrivains de notre langue....

« « Captif du rite ancien », Bossuet le fut volontairement, amoureusement. Installs dans la 'Write revelee comme dans une citadelle sure et imprenable, it s'interdit de curieuses et decevantes incursions dans ,les champs sedui- sants de l'erreur.

S'il l'entend ainsi, J.

Lemaitre a raison; ii pense differem- ment, nous le savons, ce renaniste, ce sceptique pour qui la verite change toutes les vingt-quatre heures.

11 se fait ici Pecho de Sainte-Beuve et des agnostiques du xixe siècle : « Les philosophes, les amateurs d'idees neuves, et les chercheurs de verite ne par- donnent pas a Bossuet son immobilite stable et imperieuse », avait ecrit le prince de la critique.

Et Peleve repete la lecon, et it y insiste, car c'est la un de leurs principaux griefs : Bossuet est immuable, it n'invente rien1...

L'aimable, le capricieux Lemaitre a evolue du premier au dernier de ses jours, religieusement et politiquement parlant.

Il semble en avoir use avec la Write comme le pauvre Alfred de Musset. Quand j'ai connu la Verne, J'ai cru que c'etait une oink; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en etais déjà Bossuet a connu, compris, senti, aims la Write, et l'en declarer le Captit, c'est lui adresser le plus beau des eloges.

Admettons meme qu'il se soft mepris sur cette Write a laquelle it a enchains sa raison et sa conduite, Peloge reste entier, sa bonne foi etant hors de doute. Remarquons enfin que le dogme catholique n'est pas une etroite prison : « La foi, a-t-on dit, n'empeche de penser que ceux ,qui ne sont pas faits pour penser.

Nul philosophe libre-penseur n'a eleve son esprit plus haut qu'un Bossuet, qu'un Pascal. Captif altier, ajoute Lemaitre; imperieux, avait dit Sainte-Beuve.

La cer- titude absolue, l'affirmation sereine d'une Autorite proclamant la Write agace, froisse ces « chercheurs » d'une Verite insaisissable, et facilement ils accusent de « hauteur ) un Bossuet.

Est-ce sa faute si, dans l'ardeur de sa conviction it bouscule nos prejuges, it jette l'alarme dans notre conscience endormie en une fausse securite; si, porte par son sujet, souleve par une eloquence naturelle, it plane sans effort? Loin de lui le sot projet d'ecraser de son &Main ceux qui rampent encore sur la terre, mais comment lui reprocher d'être un aigle?...

Rien de plus inexact que cette conception d'un Bossuet hautain, dedaigneux; legende facheuse que, par malheur, son grand style a pu aider a accrediter. Le ton « imperieux ;) de Bossuet rappelle invinciblement celui des voyants de la Bible.

Et ici encore, J.

Lemaitre se souvient de Sainte-Beuve : « Du geste et de ton, et pour les conies de lumiere, Bossuet tient d'un Moise; it a d'un David la pc:calque ivresse...

C'est le grand pretre eloquent, prophetique, mais un prophete du present...

» Sur ce dernier point nos deux critiques cessent de s'accorder...

Apres Moise, apres David, Isale.

On pourrait ajouter Jeremie, Ezechiel et les 12 petits prophetes, tant Bossuet est penetre de PEcriture, tant it a « pris le genie de la langue sainte Oui, spontanement, sans y penser, it s'exprime en prophete : « Venez peuple, venez maintenant... et vous qui jugez la terre, et vous qui ouvrez aux hommes les portes du ciel...

Du prophete ii a plus que l'accent : l'acuite du regard.

Ii plonge au dela de son temps.

N'entrevoit-on pas nos revolutions a travers ces paroles : « Quand une foil on a trouve le moyen de prendre la multitude par l'appat de la fiberte, elle suit en aveugle, pourvu qu'elle en entende seulement le nom >? Ne devoile-t-il pas l'avenir, quand it annonce a ses contemporains les suites Iointaines du protestantisme, du likre examen : « La licence n'ayant plus de frein, les sectes se multiplieront a l'infini et, tandis que les uns ne cesse- ront de disputer, les autres, fatigues, s'en iront chercher un repos funeste et une entiere independance dans 'Indifference des religions ou dans ratheisme Mais on aurait tort de releguer ce prophete dans un passe aboli, de croire qu'il juge son époque avec les idees hebraIques et ne nous offre rien de pratique.

II n'est pas si loin de nous que le laisse entendre J.

Lemaitre; et quelle qu'ait ete ''intention de Sainte-Beuve en le nommant « prophete du « Captif du rite ancien », Bossuet le fut volontairement, amoureusement.

Installe dans la Vérité révélée comme dans une citadelle sûre et imprenable, il s'interdit de curieuses et décevantes incursions dans les champs sédui­ sants de l'erreur. S'il l'entend ainsi, J. Lemaître a raison; il pense différem­ ment, nous le savons, ce renaniste, ce sceptique pour qui la vérité change toutes les vingt-quatre heures.

Il se fait ici l'écho de Sainte-Beuve et des agnostiques du xixe siècle : « Les philosophes, les amateurs d'idées neuves, et les chercheurs de vérité ne par­ donnent pas à Bossuet son immobilité stable et impérieuse», avait écrit le prince de la critique.

Et l'élève répète la leçon, et il y insiste, car c'est là un de leurs principaux griefs : Bossuet est immuable, il n'invente rien!...

L'aimable, le capricieux Lemaître a évolué du premier au dernier de ses jours, religieusement et politiquement parlant.

Il semble en avoir usé avec la Vérité comme le pauvre Alfred de Musset.

Quand j'ai connu la Vérité, J'ai cru que c'était une amie; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en étais déjà dégoûté...

Bossuet a connu, compris, senti, aimé la Vérité, et l'en déclarer le Captif, c'est lui adresser le plus beau des éloges. Admettons même qu'il se soit mépris sur cette Vérité à laquelle il a enchaîné sa raison et sa conduite, l'éloge reste entier, sa bonne foi étant hors de doute.

Remarquons enfin que le dogme catholique n'est pas une étroite prison : «La foi, a-t-on dit, n'empêche de penser que ceux qui ne sont pas faits pour penser.

» Nul philosophe libre-penseur n'a élevé son esprit plus haut qu'un Bossuet, qu'un Pascal.

Captif altier, ajoute Lemaître; impérieux, avait dit Sainte-Beuve.

La cer­ titude absolue, l'affirmation sereine d'une Autorité proclamant la Vérité agace, froisse ces « chercheurs » d'une Vérité insaisissable, et facilement ils accusent de « hauteur » un Bossuet. Est-ce sa faute si, dans l'ardeur de sa conviction il bouscule nos préjugés, il jette l'alarme dans notre conscience endormie en une fausse sécurité; si, porté par son sujet, soulevé par une éloquence naturelle, il plane sans effort? Loin de lui le sot projet d'écraser de son dédain ceux qui rampent encore sur la terre, mais comment lui reprocher d'être un aigle?... Rien de plus inexact que cette conception d'un Bossuet hautain, dédaigneux; légende fâcheuse que, par malheur, son grand style a pu aider à accréditer.

Le ton « impérieux » de Bossuet rappelle invinciblement celui des voyants de la Bible.

Et ici encore, J. Lemaître se souvient de Sainte-Beuve : « Du geste et de ton, et pour les cornes de lumière, Bossuet tient d'un Moïse; il a d'un David la poétique ivresse...

C'est le grand prêtre éloquent, prophétique, mais un prophète du présent.. » Sur ce dernier point nos deux critiques cessent de s'accorder... Après Moïse, après David, Isaïe. On pourrait ajouter Jérémie, Ezéchiel et les 12 petits prophètes, tant Bossuet est pénétré de l'Ecriture, tant il a «pris le génie de la langue sainte». Oui, spontanément, sans y penser, il s'exprime en prophète : « Venez peuple, venez maintenant...

et vous qui jugez la terre, et vous qui ouvrez aux hommes les portes du ciel... » Du prophète il a plus que l'accent : l'acuité du regard.

Il plonge au delà de son temps.

N'entrevoit-on pas nos révolutions à travers ces paroles : « Quand une fois on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l'appât de la liberté, elle suit en aveugle, pourvu qu'elle en entende seulement le nom»? Ne dévoile-t-il pas l'avenir, quand il annonce à ses contemporains les suites lointaines du protestantisme, du libère examen : « La licence n'ayant plus de frein, les sectes se multiplieront à l'infini et, tandis que les uns ne cesse­ ront de disputer, les autres, fatigués, s'en iront chercher un repos funeste et une entière indépendance dans l'indifférence des religions ou dans l'athéisme»? , ' , , , v , Mais on aurait tort de reléguer ce prophète dans un passe aboli, de croire qu'il juge son époque avec les idées hébraïques et ne nous offre rien de pratique.

Il n'est pas si loin de nous que le laisse entendre J. Lemaître; et quelle qu'ait été l'intention de Sainte-Beuve en le nommant « prophète du. »

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