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Commentez ce jugement d'Emile Faguet : « Chateaubriand est la plus grande date de l'histoire littéraire de la France depuis la Pléiade. Il met fin à une évolution littéraire de près de trois siècles, et de lui en naît une nouvelle qui dure encore et se continuera longtemps. »

Publié le 14/02/2012

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chateaubriand

 

Chateaubriand, une date! L'expression est pour le moins singulière, et quelque peu surprenante. Chateaubriand, c'est un nom, et l'un des plus glorieux de notre littérature ... mais Faguet a raison, c'est une date surtout. Il est des écrivains, des novateurs qui vraiment font date dans l'histoire littéraire d'un pays : Dante en Italie, Shakespeare en Angleterre, Lessing en Allemagne. Chateaubriand, comme Ronsard, fut l'un de ceux-là pour la France : il a orienté la pensée, l'imagination, le sentiment, le style vers des horizons ignorés, il les a engagés pour longtemps, en des voies nouvelles...

 

chateaubriand

« ne remporta pas tout d'abord le succes qu'elle meritait.

Boileau, theoricien et legislateur, dont l'autorite s'etend au xvine siècle, a proclame en des vers fameux que le sacre doit etre soigneusement distingue du profane et ne sau- rait devenir matiere litteraire : De la foi d'un chretien les mysteres terribles D'ornements egayes ne sont pas susceptibles. Voltaire, son eleve tres docile, passera outre, dans Zaire et dans Alzire, mais it eett aussi bien fait de ne point porter la religion sur la scene; nul chretien, en 1937, ne lui sait gre de cette « audace ».

Ici nous eprouvons une hesitation; nous n'osons pretendre que la doctrine ebauchee par Ronsard, completee par Malherbe - son ennemi et son conti- nuateur - ne subit aucun accroc jusqu'a Chateaubriand.

Une date nous arrete : 1750, celle du premier Discours de Rousseau.

De lui, on peut dire aussi, en effet, qu'il fut une date.

« Voltaire, c'est un monde qui finit, Rous- seau, c'est un monde qui commence s? (Goethe).

« Dans ce courant un pea froid de notre litterature classique, il fait circuler un courant chaud.

» II « enflamme tout »; it « met du vert » partout.

Neanmoins, E.

Faguet a raison de ne point s'arreter a cette date.

Le grand bouleversement, ce n'est pas lui - ni Diderot, a fortiori, - qui l'opera, encore qu'ils soient des precurseurs authentiques du Romantisme.

Car it consists moms a rechauffer nos lettres, a y introduire le sentiment de la nature, qu'a rompre avec l'antiquite, qu'a puiser aux sources chretiennes et nationales.

Et cela, en &pit de quelques belles pages sur le Christ dont « la vie et la mort sont d'un Dieu », ne saurait etre attribue a ce Genevois gave de Plutarque, a l'auteur du Contrat Social. La date, c'est 1802, c'est Chateaubriand, secondant avec son Genie du Christianisme les desseins du Premier Consul.

Depuis deux sieeles et demi la mine antique et palenne await ete large- ment et parfois indiscretement exploitee; elle n'etait pas epuisee pour au- tant, mais la fatigue se faisait sentir.

A temps nouveaux, litterature nouvelle. Chenier l'eprouvait déjà avant la Revolution : Sur des pensers nouveaux faisons des uers antiques... Apres le cataclysme revolutionnaire, ces « pensers nouveaux » n'etaient plus les doctrines « philosophiques » du xvine siecle, ni meme l'admiration passionnee de la Science et des Savants, ce furent les antiques pensers du moyen age, les Pensees de Pascal, tous les tresors de la tradition chretienne.

Le role de Chateaubriand fut precisement de detromper les esprits, de les soustraire au mirage paien.

Non qu'il flit insensible an « charme » an- tique; litineraire et les Martyrs prouvent le contraire; Non qu'il repudiat les doctrines esthetiques du classicisme; nul avant lui n'a mieux goate Racine, le plus parfait de nos « classiques ».

Ce qu'il prouva, en usant des ar- guments susceptibles d'agreer a ses contemporains, c'est que le christianisme, denigre par Voltaire et les Encyclopedistes, loin d'etre barbare, absurde, ridicule, sanguinaire, ennemi des arts et des lettres, de la raison et de in beaute, obstacle au progres et au bonheur du genre humain, etait au con- traire, poetique, Inimain, favorable a la liberte, au progres, aux arts, source inepuisable de beaute et de bonheur vrai. Mais Chateaubriand n'a pas seulement « restaure lacathedrale go- thique », symbole du christianisme, chef -d'oeuvre de cet art medieval inspire par la foi, delaisse et meprise par le xvie et le xvue siècle, tourne en derision par le xvine; it ne s'est pas contente d'opposer a la negation voltairienne l'affirmation chretienne et catholique, a la mythologie desuete ('inspiration religieuse et nationale, it a substitue a in froide raison classique, le cceur auquel deja faisait appel son cher Pascal.

Apres lui, avec toute une gene- ne remporta pas tout d'abord le succès qu'elle méritait.

Boileau, théoricien et législateur, dont l'autorité s'étend au xvin• siècle, a proclamé en des vers fameux que le sacré doit être soigneusement distingué du profane et ne sau­ rait devenir matière littéraire : De la foi d'un chrétien les mystères terribles D~ornements égayés ne sont pas susceptibles.

Voltaire, son élève très docile, passera outre, dans Zaïre et dans Alzire, mais il eût aussi bien fait de ne point porter la religion sur la scène; nul chrétien, en 1937, ne lui sait gré de cette «audace».

Ici nous éprouvons une hésitation; nous n'osons prétendre que la doctrine ébauchée par Ronsard, complétée par Malherbe - son ennemi et son conti­ nuateur - ne subit aucun accroc jusqu'à Chateaubriand.

Une date nous arrête : 17 50, celle du premier Discours de Rousseau.

De lui, on peut dire aussi, en effet, qu'il fut une date.

«Voltaire, c'est un monde qui finit, Rous­ seau, c'est un monde qui commence» (Goethe).

«Dans ce courant un peu froid de notre littérature classique, il fait circuler un courant chaud.

» Il «enflamme tout»; il «met du vert» partout.

Néanmoins, E.

Faguet a raison de ne point s'arrêter à cette date.

Le grand bouleversement, ce n'est pas lui - ni Diderot, a fortiori, - qui l'opéra, encore qu'ils soient des précurseurs authentiques du Romantisme.

Car il consista moins à réchauffer nos lettres, à y introduire le sentiment de la nature, qu'à rompre avec l'antiquité, qu'à puiser aux sources chrétiennes et nationales.

Et cela, en dépit de quelques belles pages sur le Christ dont « la vie et la mort sont d'un Dieu », ne saurait être attribué à ce Genevois gavé de Plutarque, à l'auteur du Contrat Social.

La date, c'est 1802, c'est Chateaubriand, secondant avec son Génie du Christianisme les desseins du Pt·emier Consul.

Depuis deux siècles et demi la mine antique et païenne avait été large­ ment et parfois indiscrètement exploitée; elle n'était pas épuisée pour au­ tant, mais la fatigue se faisait sentir.

A temps nouveaux, littérature nouvelle.

Chénier l'éprouvait déjà avant la Révolution : Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques ...

Après le cataclysme révolutionnaire, ces « pensers nouveaux » n'étaient plus les doctrines « philosophiques » du xvm• siècle, ni même l'admiration passionnée de la Science et des Savants, ce furent les antiques pensers du moyen âge, les Pensées de Pascal, tous les trésors de la tradition chrétienne.

Le rôle de Chateaubriand fut précisément de détromper les esprits, de les soustraire au mirage païen.

Non qu'il fût insensible au « charme » an­ tique; l'Itinéraire et les Martyrs prouvent le contraire; Non qu'il répudiât les doctrines esthétiques du classicisme; nul avant lui n'a mieux goûté Racine, le plus parfait de nos « classiques ».

Ce qu'il prouva, en usant des ar­ guments susceptibles d'agréer à ses contemporains, c'est que le christianisme, dénigré par Voltaire et les Encyclopédistes, loin d'être barbare, absurde, ridicule, sanguinaire, ennemi des arts et des lettres, de la raison et de la , beauté, obstacle au progrès et au bonheur du genre humain, était au eon­ traire, poétique, humain, favorable à la liberté, au progrès, aux arts, source inépuisable de beauté et de bonheur vrai.

Mais Chateaubriand n'a pas seulement «restauré la cathédrale go­ thique », symbole du christianisme, chef-d'œuvre de cet art médiéval inspiré par la foi, délaissé et méprisé par le xvie et le xvii" siècle, tourné en dérision par le xvin~; il ne s'est pas contenté d'opposer à la négation voltairienne l'affirmation chrétienne et catholique, à la mythologie désuète l'inspiration religieuse et nationale, il a substitué à la froide raison classique, le cœur auquel déjà faisait.

appel son cher Pascal.

Aprè$ lui, avec toute une géné-. »

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