Comment le libertinage est-il inscrit par Laclos dans les débats des Lumières ?
Publié le 06/12/2019
Extrait du document
Le libertinage ne peut se comprendre que dans une société régie par des codes stricts, puisqu'il s'inscrit en réaction contre un monde qui prétend le soumettre. Avec intelligence et duplicité, le libertin substitue un code à un autre. Intéressé par les stratégies, il doit respecter une conduite claire et ordonnée : choisir, séduire, conquérir et quitter, sans jamais tomber amoureux. Loin d'être une simple figure de la sensualité, le libertin est un rationaliste, qui sait user de « méthode » (CXXV). L'ensemble des règles qu'il s'impose constitue un système. Le libertin joue avec le désir, son propre désir et celui de l'autre: il est triomphe de la pensée sur l'instinct. Cette construction mentale se concrétise en un projet, ce dont s'inquiète
Les Liaisons dangereuses
Pierre-Ambroise-François Choderlos De Laclos
«
116 Les
de la
raison
Comme Érasme avait offert une tribune à la Folie, Laclos se fait par la lettre le
porte-parole des libertins.
Leurs discours, repris par la rumeur publique, prennent
une valeur d'exemplarité : ils enfr eignent le code moral, mais leurs préceptes ont
force de loi.
Ils deviennent l'illust ration d'une rationalité déraisonnable, parce qu'ils
transgressent les lois éthiques.
De plus, les libertins mettent en œuvre une rationalité
inf éodée à l'i rrationnel.
Leur esprit est au service des passions vengeance, jalousie-,
voire des pulsions.
Montesquieu dénonce dans L'Esp rit des lois (1748) le despotisme,
qui repose sur la violence et la peur.
Laclos, Sade, par leur réflexion sur le pouvoir,
annoncent les exactions de la Terreur, les déviations des dictatures.
Ill.
Les relations entre les lib ertins
Des relations d'identité
L' idée de concevoir un couple de libertins conduit Laclos à une structure dia
lectique.
Valmont et Mme de Mert euil commencent apparemment à égalité.
Chacun
a ses conquêtes, chacun éprouve le besoin de se confier à l'autre.
Anciens amants,
ils ont conclu un pacte.
Le besoin qu'ils éprouvent à présent ne réside plus tant dans
l'é change physique que dans J'échange des mots.
Ils ne peuvent évoluer sans se réfé
rer à cet airer ego, qui devient comme l'équivalent de leur conscience, au point que
Valmont déclare: « En vérité, plus je vais et plus je suis tenté de croire qu'il n'y a que
vous et moi dans le monde qui valons quelque chose » (C).
Le libertin éprouve sans
relâche le besoin d'être consi déré par ses pairs.
Des relations de rivalité
Par son titre nobilia ire, la Marqu ise est supérieure au Vicomte, mais ce léger
avantage ne serait rien si Laclos ne venait placer la séduction au cœur du couple.
Cette
mise en abyme devient le véritable enjeu des Liaisons.
À l'origine de leur rencontre,
le romancier mentionne le désir de la Marquise - « Je vous désirais avant de vous
avoir vu» (L XXXI), mais c'est la réputation de Valmont qui l'éblouit.
La parodie de
la chevalerie lui confe re le rôle de la dame : «Jurez-moi qu'en fidèle chevalier [ ...
]»
(II) ; « Telle dans nos anciens tournois >> (X) ; « semblable à nos preux chevaliers »
(XX).
Elle mène le jeu amoureux et, en se ref usant à Valmont, assure sa domination.
Tout au long de l'in trigue, elle agite la récompense d'une nuit partagée : « Venez et
je suis à vous » (XX).
Ce présent qui semble actualiser la scène est comme un leurre :
même les preuves en main, la Marqu ise s'esquive.
C'est ainsi que de l'amour, le cou
ple glisse vers la guerre.
Après cent cinquante ans de cartés ianisme, après un siècle d'optimisme, persuadé
que l'usage de la raison ne peut conduire qu'au bonheur universel, Laclos démontre
que l'intelligence peut induire le malheur, opprimer au lieu d'affran chir.
Il y a donc
renver sement par rapport aux écrits des Lumières, puisque le libertin procède à une
contre-éducation, la formation qu'il dispense éloignant l'initié et de la nature et de la
société, corrompant Je naturel par l'artificiel..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Comment le libertinage est-il inscrit par Laclos dans les débats des Lumières ?
- L'argumentation est-elle pure spéculation ou s'inscrit-elle dans la vie réelle de l'époque où vit le philosophe ou l'écrivain ? Vous étaierez votre réflexion pour l'essentiel sur les auteurs des Lumières.
- Commentez ces lignes de Sylvain Menant (Littérature française, t. VI : De l'Encyclopédie aux Méditations, Arthaud, 1984) : «Tout le monde, de Voltaire à Diderot, cherche à définir un «droit naturel», droit absolu inscrit dans la raison humaine et antérieur, d'un point de vue intellectuel, à l'existence des sociétés. Ce droit naturel doit s'imposer dans tous les régimes politiques. Il protège la liberté des individus et leur fixe des devoirs. Chaque intervention dans les affaires du tem
- Exposée de français : Le libertinage du XVII° au XIX° siècle (comparaison entre Dom Juan et les héros libertin dans Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos)
- Les Liaisons Dangereuses de Choderlos de Laclos: Dans quelle mesure ce roman illustre-t-il ou remet-il en question l'idéal du siècle des Lumières ?