Chênes, hêtres et châtaigniers

« des bois européens.

Durcissant dans l'eau , ils fournissent des roues de moulins, des engrenages, des bois d'écluses et les carènes de la marine à voile si chère à Colbert (qui fit planter pour elle les forêts de Tronçais et Bercé) .

Ce sont d'excellents bois d'œuvre , de chauffage, de placage et de charpente.

Dans ce rôle, ils sont aujourd 'hui supplantés par les résineux, à cause de leur poids et surtout de leur prix.

Pour la même raison , au lieu de remplacer complètement leurs fûts de chênes épuisés, les vignerons se contentent souvent de faire changer quelques douelles : les tanins du bois contribuent à donner au vin son caractère «tannique ».

LE GENRE LITHOCARPU S Absent d'Europe, il compte 325 espèces, dont 200 en Asie du sud-est.

Il est parfois rapproché des chênes (Lithocarpus densiflorus est le « chêne à tanin » de Californie), mais ses chatons mâles sont dressés, non pendants .

ljUiifo!ij Le genre Fagus est d'orig ine ancienne .

Un hêtre à très grandes feuilles existait déjà à l'éocène , il y a 50 millions d'années .

Il y a environ 5 millions d'années , durant une période humide , il a été remplacé par le hêtre d'Orient (Fagus orientalis).

Le hêtre commun est apparu il y a 700 000 ans.

Son expansion récente a été en partie freinée par l'expansion de l'humanité , qui dès ses origines a exploité ses extraordinaires qualités .

Il existe 10 espèces, dont sept sont seulement asiatiques et une nord ­ américaine.

Les hêtres sont de grands arbres à écorce grise, lisse et mince, à feuilles entières , rarement dentées , à marges finement poilues.

Ces feuilles , disposées sur 2 rangs , sont pliées dans un bourgeon caractéristique , allongé, ovoïdes ou triangulaires , contenues dans un involucre ligneux , hérissé de pointes molles, et qui s'ouvre par 4 valves.

Ces faines sont consommées par de très nombreux animaux et disséminées par les écureuils.

Le système racinaire des hêtres est surtout superficiel.

Assez peu regardants quant au sol, ils exigent un climat assez humide , car ils transpirent non seulement par les stomates de leurs feuilles, mais aussi entre eux, ce qui est exceptionne l.

Leur potentiel d'évaporation est le double de celui des chênes .

Comme leurs vaisseaux conducteurs de sève brute sont de faible diamètre, une trop forte chaleur les sèche littéralement sur pied .

Leur longévité est d 'environ 300 ans, rarement 500.

ENN EMIS DU HtîlE Ils sont rares.

Seul Cryptococcus fagi, la cochenille du hêtre , dont les larves consomment sa sève, représente un danger mortel, surtout en période de sécheresse .

Le pucero n laineux d u hêtre , Phyl/aphis fagi, menace essentiellement les jeunes plants .

HlTRE COM MUN Fagus sylvatica est répandu dans toute l'Europe, jusqu'au sud de la représente un peu moins de 10 % des forêts françaises .

C'est un grand arbre pouvant atteindre 40, voire 50 m, pour un diamètre d 'un mètre cinquante.

En futaie , son tronc peut être nu sur 15 ou 20 m , d'où un aspect colonnaire parfois impression­nant.

Dans la pure hêtraie , le feuillage dense , les ramures contiguës en strates horizontales , les racines traçantes et la chute des feuilles marcescentes au printemps éliminent presque toute végétation au sol.

C'est le stade ultime de l'évo lution forestière , la fin de la hêtraie -rouvraie par étouffement des chênes .

Celle-ci ne se produit pas toujours , car les hêtres apprécient moins le soleil que les chênes (surtout les jeunes) et résistent moins bien aux tempêtes .

La fameuse hêtraie de la Sainte-Baume , près de Marseille, survit au climat méditerranéen parce qu'elle est sur un versant nord .

D'autres formations comme la hêtraie -frênaie ou la hêtraie­ sapinière sont moins spectaculaires .

Les hêtres poussent aussi en arbres isolés , ou même en haies traditionnelles , comme en Pays de Caux , où ils servaient de drainage et brise-vent.

Avec leur destruction , les pluie s d'hiver entraînent directement les polluants dans les nappes phréatiques de la région.

VARIÉTÉS Les cultivars les plus connus sont les h êtres (à feuilles) pourpres atropurpurea , à frondai son globuleuse , spectaculaire dans les parcs .

Un seul exemplaire découvert en 1680 est l'ancêtre de tous les autres .

Cuprea est rouge cuivr é, Riversii pourpre très fonc é.

La variété albo-variegata a des feuilles panachées de blanc , tandis que celles de cristata sont chiffonnées , celles de laciniata découpées en lanières et celles de quercifolia lobées comme celles des chênes .

On trouve aussi des formes originales , comme les hêtres pleureurs (pendula) , fastigiés (fastigiata), et surtout les hêtres tortillards (tortuosa), une mutation rendue célèbre par les « faux de Verzy» , dans la région de Reims .

Ce sont 800 hêtres tordus dans tous les sens, aux ramifications enchevêtrées.

Ils poussent dix fois moins vite que la normale et se reproduisent surtout par marcottage .

Des exemplaires moins nombreux existent aussi en Auvergne , Bretagne , Lorraine, en Allemagne , au Danemark et en Suède .

AUTRE S ESPÈCES Le hêtre d 'Orient Fag us orientalis est un g rand arbre répandu du sud-est de l'Europe à l'Iran .

Ses feuilles assez grandes deviennent d 'un jaune doré à l ' automne .

Fagus grandifolia, le hêtre d'Amérique , a les plus grandes feuilles du genre : 15 cm de long sur 10 de large.

li est répandu de l 'est du Canada à la Floride et au Texas , jusqu'à 1 700 m d 'altitude (son aire recoupe celle du chêne blanc , et il est calcifuge comme lui).

C'est le seul hêtre qui drageonne à la base.

Les hêtres asiatiques dépassent rarement 20 mètres , 10 mètres pour Fagus lucida de Chine occidentale, au beau feuillage vert brillant.

Au Japon , Fagus sieboldii ressemble à notre hêtre commun, avec des faines comestibles.

L E BOIS D E HhRE li est de grande qualit é, homogène , dur, facile à travailler .

Ses utilisation s sont très diver ses : meuble s de style , parquets , petits objets comme des cuillères , des bros ses, des pinces à linge, etc.

Il est assez fin pour la gravure et assez souple pour la production de contreplaqué.

C'est aussi un bon combustible , à fort pouvoir calorifique, et il fournit une excellente pâte à papier .

Il est cependant inutilisable en extérieur, car il ne résiste pas aux intempéries.

Pour en faire des traverses de chemin de fer, on devait l'injecter de créosote -un mélange de phénols issu de sa propre distillation .

LE CENR E NOTHOFACUS Traditionnellement classés parmi les fagacées , les « hêtre s australs » constitueraient en fait une famille distincte, les nothofagac ées.

Leurs 35 espèces sont présente s en Amérique du Sud et en Océanie (ils poussaient autrefois en Antarctique ).

Ils se distinguent des hêtres par la petitesse de leurs feuilles (parfois pas plus d'un cm de long ), par leurs fleurs mâles ordinairement solitaires (et non pas en chatons), leurs fleurs femelles groupées par 2, leurs rameau x souvent odorants et enfin par leur croissance très rapide (entre 12 et 25 cm par an) qui les rend intéressants dans les jardins .

ij{J!i!,jl,j@ijifj Ils sont d 'apparition plus récente que les autres fagacées : environ 55 millions d'années.

En Europe, le châtaignier commun existait déjà il y a 10 millions d'années.

Il a disparu suite aux glaciations quaternaires, avant de revenir progressivement.

La castanéiculture, inventée au Moyen­ orient au vi• siècle avant notre ère, a provoqué l'essor du châtaignier dans toutes les zones d'occupation romaine .

Son rôle alimentaire a été prépondérant du Moyen-âge au xvi11• siècle.

Aujourd'hui il occupe environ 4 % des forêts françaises.

Une dizaine d'autres espèces peuple les régions tempérées de l'hémisphère nord , Chine, Corée, Japon et Amérique du nord.

Les châtaigniers sont des arbre s ou arbustes à feuilles caduques ovales, à bord denticulé en scie, au sommet en pointe fine.

Ces feuilles sont disposées en spirale.

Les fleurs males sont rassemblées en glomérules sur d'assez longs chatons , les fleurs femelles poussent à la base du chaton mâle ou en chatons séparés.

Les fruits, groupés par l à 3 ( rarement 5 à 7), sont protégés par une cupule épineuse, la bogue , qui s'ouvre par 2 à 4 valves à maturité .

Selon leur qualité et leur mode de préparation , ces fruits sont nommés châtaignes ou marrons.

Contrairement aux hêtres , ils possèdent des racines et un tronc pivotants (ce qui se voit au niveau de l'écorce ), mais peu de racines traçantes.

Leur croissance est rapide , mais ils sont relativement exigeants : très calcifuges , ils craignent l 'humidité stagnante , les fortes chaleurs, les grands froid s et Je vent.

Ils poussent de préférence sur terrain acide, le long de pentes un peu abritées.

Leur longévité est grande : en Sicile, il castagna dei cento cava/li , le châtaignier des 100 chevau x, aurait plus de 2 000 ans.

Celui de Neuillé (Indre-et­ Loire) serait millénaire .

Beaucoup d 'autres sujets pluri séculai res sont visibles dans l'ouest de la France.

ENNEMIS DES C HATAI GNIERS Deux champignons provoquent des maladies redoutables .

L'encre est causée par Phytophtora cambivora et Phytophtora cinamoni, qui obturent les vaisseaux des racines et tuent les arbres en 2 ou 3 ans, surtout en terrain humide.

Seules certaines espèces asiatiques y résiste nt.

L'endoth iose, ou chancre de l'écorce , est due à Cryphonedria parasitica .

Dans les années 30, cette maladie a ravagé les châtaigniers d'Amérique du nord Castanea dentata , qui n'existent plus aujourd'hui que sous forme buissonnan te.

Son apparition en Europe dans les années 50 a porté un coup très grave à la culture de la châtaigne.

LE CHATAIGNIER C OMMUN Castanea sati va est répandu du Portugal à l'Afrique du nord et au Caucase.

C'est un arbre au couvert épais, mais assez clair , pouvant atteindre une trentaine de mètres.

Il est généralement de port trapu .

Ses feuilles de 12 à 25 cm de long pour 6 à 8 cm de large portent de 20 à 30 nervures secondaires.

Ses fleurs mâles ont une odeur de miel.

Les fleurs femelles sont réunies par 3 dans des cupules à la base des chatons mâles .

La bogue s'ouvre par 4 valves, libérant la châtaigne, dont il existe en France une soixantaine de variétés alimentaires: Bouche rouge , Bouche verte, Bourrue de Juillac , etc.

Les variétés ornementales sont comparables à celles du hêtre .

AUTRES ESPÈCES Le châtaignier du Japon, Castanea crenata , est un petit arbre de climat océanique.

Ses rameaux grêles portent des feuilles de 8 cm aux dents très petites et de gros fruits comestibles .

Il est résistant à l'encre, tout comme le châtai­gnier de Chine (Castanea moll is­ sim a), qui pousse jusqu'à ------- ~ 2000 met possède un beau feuillage décoratif.

Le châtaignier chinkapin d'Allegheny (Castanea pumila) est un arbuste des États -Unis à tout petits fruits (1,5 cm maximum ), introduit en France dès 1699 .

LE BOIS DE CHÂTAIGNIER En Europe , la châta igneraie est traditionnellement associée au vignoble, car elle fournit douelles de tonneaux , piquets , échalas, lattes pour paniers , etc.

Le bois de châtaignier ressemble à celui du chêne, mais sans maillures .

Facile à fendre, imperméable et peu poreux, qualités précieuses en tonnellerie, il est rarement utilisé en charpente , car il souffre de la «ro ulure » : il s'agit d'une tendance à se détacher selon les cernes, qui se crée du vivant de l'arbre et peut être indétectable de l'extér ieur (roulure saine) .

C'est aussi un bois de feu médiocre , qui éclate à la chaleur.

Il est par contre excellent pour faire des parquets , des meubles , et bien sûr les castagnettes, qui lui doivent leur nom .

LE GENRE (ASTAN OPSIS Il compte environ 140 espèces, presque toutes originaires d 'Asie du sud-est.

Leur s feuilles sont non-dentées , contrairement à celles des châtaigniers .

Le chinkapin doré du sud-ouest des États-Unis (Castanop sis chrysophylla) , au dessous des feuille s jaune d'or , est l'une des rares espèces américaines .. »