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Candide, chapitre 6, Voltaire

Publié le 17/01/2022

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Candide, chapitre 6, Voltaire COMMENT ON FIT UN BEL AUTO-DA-FÉ POUR EMPÊCHER LES TREMBLEMENTS DE TERRE, ET COMMENT CANDIDE FUT FESSÉ Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n'avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l'université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler. On avait en conséquence saisi un Biscayen convaincu d'avoir épousé sa commère, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arraché le lard : on vint lier après le dîner le docteur Pangloss et son disciple Candide, l'un pour avoir parlé, et l'autre pour avoir écouté avec un air d'approbation : tous deux furent menés séparément dans des appartements d'une extrême fraîcheur, dans lesquels on n'était jamais incommodé du soleil ; huit jours après ils furent tous deux revêtus d'un san-benito, et on orna leurs têtes de mitres de papier : la mitre et le san-benito de Candide étaient peints de flammes renversées et de diables qui n'avaient ni queues ni griffes ; mais les diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites. Ils marchèrent en procession ainsi vêtus, et entendirent un sermon très pathétique, suivi d'une belle musique en faux-bourdon. Candide fut fessé en cadence, pendant qu'on chantait ; le Biscayen et les deux hommes qui n'avaient point voulu manger de lard furent brûlés, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume. Le même jour la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable. Candide, épouvanté, interdit, éperdu, tout sanglant, tout palpitant, se disait à lui-même : " Si c'est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres ? Passe encore si je n'étais que fessé, je l'ai été chez les Bulgares. Mais, ô mon cher Pangloss ! le plus grand des philosophes, faut-il vous avoir vu pendre sans que je sache pourquoi ! Ô mon cher anabaptiste, le meilleur des hommes, faut-il que vous ayez été noyé dans le port ! Ô Mlle Cunégonde ! la perle des filles, faut-il qu'on vous ait fendu le ventre ! " Il s'en retournait, se soutenant à peine, prêché, fessé, absous et béni, lorsqu'une vieille l'aborda et lui dit : " Mon fils, prenez courage, suivez-moi. "

De tous les contes voltairiens Candide reste aujourd'hui l'oeuvre la mieux connue et peut-être la plus lue. Pourtant, ce court récit est l'un des plus violents et des plus pessimistes (quel que puisse être le dénouement) que Voltaire ait jamais écrit. Le monde que traversent en effet Pangloss et son élève apparaît comme le vaste théâtre d'un chaos où les hommes deviennent des marionnettes soumises à la violence et à la cruauté d'une fatalité qu'ils désespèrent de pouvoir identifier.

Ainsi, lorsque nous parvenons au chapitre 6, intitulé « Comment on fit un bel auto-da-fé pour empêcher les tremblements de terre et comment Candide fut fessé «, ce même Candide a déjà connu toutes les violences de la guerre, le château d'où il a été chassé vient d'être dévasté, ses amis éventrés, lui s'est échappé d'une armée où il avait été enrôlé de force ; et quand il arrive à Lisbonne, c'est pour apprendre que la ville a été ravagée par un terrible tremblement de terre.

Mais dans ce monde chaotique, outre ces marionnettes humaines, on rencontre aussi des fantoches, des personnages prêts à tout pour rétablir un simulacre d'ordre (civil, moral, religieux ou intellectuel) et c'est sur eux que Voltaire concentre son tir et la virulence de ses critiques qu'appuie un humour grinçant.

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