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BORNE Alain : sa vie et son oeuvre

Publié le 18/11/2018

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alain
BORNE Alain (1915-1962).
 
Je pense que le désespoir est une éponge amère Qui s'empare de tout le sang quand le cœur est détruit. (...)
 
Je pense que tout est fini.
 
Ainsi s’exprime Alain Borne dans le dernier poème du dernier recueil qu’il publie de son vivant, L’amour brûle le circuit (1962), après avoir confié à son ami Paul Vincensini un manuscrit au titre presque trop transparent, la Dernière Ligne. Quelque temps plus tard, comme par hasard, sa voiture s’écrase contre l’arrière d’un camion, non loin de Montélimar, où le poète résidait et où il avait vécu sa jeunesse. Peu importerait, au demeurant, si chaque ligne de l’œuvre d’Alain Borne ne disait ce désir de se déprendre de la vie, de se retirer pour s’anéantir, pour disparaître d’un monde où jamais, si ce n’est dans l’enfance, peut-être, il ne parvient à trouver, au-delà des réussites matérielles, intellectuelles, affectives qu’il refuse lorsqu’elles s’offrent, une place où demeurer. On envisage donc mal qu’il eût pu mourir ailleurs que « sur la route ». Malheureusement, cette route énigmatique où, égaré, il erre, ne débouche que sur le rien : « plus j’avance et plus m’échappe le chiffre de l’énigme et plus l’énigme m’est dérisoire » (Encore, 1959). « Dans le château illuminé dans l’attente du bal » de cet autre Grand Meaulnes, dans le jardin solitaire et glacé que hantent les ombres de jeunes vierges irréelles, derrière la grille rouillée du parc fardé de trop de fleurs, il est toujours trop tard, la blessure semble de toujours, que le songe, en vain, cherche à cicatriser (Cicatrices de songes, 1939).



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« Vincensini un manuscrit au titre presque trop transpa­ rent, la Dernière Ligne.

Quelque temps plus tard, comme par hasard, sa voiture s'écrase contre l'arrière d'un camion, non loin de Montélimar, où le poète résidait et où il avait vécu sa jeunesse.

Peu importerait, au demeu­ rant, si chaque ligne de l'œuvre d'Alain Borne ne disait ce désir de se déprendre de la vie, de se retirer pour s'anéantir, pour disparaître d'un monde où jamais, si ce n'est dans l'enfance, peut-être, il ne parvient à trouver, au-delà des réussites matérielles.

intellectuelles, affecti­ ves qu'il refuse lorsqu'elles s'offrent, une place où demeurer.

On envisage donc mal qu'il eût pu mourir ailleurs que « sur la route >>.

Malheureusement, cette route énigmatique où, égaré, il erre, ne débouche que sur Je rien: «plus j'avance et plus m'échappe le chiffre de l'énigme et plus l'énigme m'est dérisoire» (Encore, 1959).

«Dans Je château illuminé dans l'attente du bal >> de cet autre Grand Meaulnes, dans le jardin solitaire et glacé que hantent les ombres de jeunes vierges irréelles, derrière la grille rouillée du parc fardé de trop de fleurs, il est toujours trop tard, la blessure semble de toujours, que le songe, en vain, cherche à cicatriser (Cicatrices de songes, 1939).

Car le réel fuit Alain Borne, à moins qu'Alain Borne n'esquive le réel devant lequel il achoppe lorsqu'il tente - rarement -de l'affronter.

Son univers, peuplé de fantômes, refu e toute reconnaissance de corps, toute respiration d'air apaisant, toute naissance du jour.

Au point que l'on peut soupçonner celui que l'on a parfois considéré comme l'un des grands poètes de J'amour d'avoir tout fait pour ne pas quitter l'abandon de son âme, pour ne pas rencontrer le bonheur, en sorte que la promesse d'amour, inlassablement, s'invalide, et qu'au­ cune dénégation ne réussit à dissimuler la peur, voire le refus du contact charnel : Le temps est venu de pre ndre le corps de la femme, sors-la de ses vêtements et ne sois pas trist e de la voir parmi eux ainsi qu'une chenille su r une ro se .

Et toi, larve, sors aussi de tes feuill e s , sois nu, c'est l'ins­ tant : enfonce ton plaisir dans ce ravin, mords le bégaie­ ment, touche les sources du lait.

(Demain la nuit sera parfaite, 1954) Sans doute, n'écrit-on jamais que sur une absence.

Mais le drame d'Alain Borne se cerne, d'abord, du fait que les mots, par-delà toute métaphore, ne font pas illu­ sion, restent des mots, que de dire : > ne fait rien se lever, m: comble rien, que le poème n'est, ne reste que mots sur 1 'absence, ce qui, bien entendu, l'invalide : Que m'importe que dans mon poème ton corps soit un sole il en fo rme de femm e si ton corps ·:le glaise et de sang reste aussi loin que l'astre dont je te pétris.

Que m'importe le poème s'il n'est que mots sur l'absence.

(Treize, 1955) Aussi voit-on, de recueil en recueil, Je lyrisme d'Alain Borne.

teinté d'un mysticisme tragique («Un Dieu, très lent, cruel, hagard, décidé, écrasant ses vendanges » ), mais d'abord foisonnant, luxuriant comme les terres de l'enfance qu'il espère encore rejoindre, et très proche du surréalisme (cf Neige et vingt poèmes, 1941; Terres de l'été, 1945; Poèmes à Lislei, 1946; l'Eau fine, 1947), se resserrer peu à peu, s'atrophier, comme si les mots eux-mêmes se raréfiaient, auxquels il devient totalement impossible de s'ancrer, si peu longtemps soit-il (En.

une seule injure, 1953; Or1ies, 1953; Adresses au vent, 1957, et les recueils posthumes les Fêtes fanées et le Plus Doux Poignard) : «Je sais que tout est néant.

Mais j'aime ce néant et je le chante.

» Chanté lui-même par Aragon, dans les Yeux d'Elsa, dès la parution de son premier recueil, salué par Char comme un compagnon, Alain Borne, peut-être parce qu'étranger à toute école et délibérément provincial, est resté relativement méconnu, puis a été presque oublié.

Cette mise à l'écart semble cependant révolue : on édite aujourd'hui ses Œuvres complètes.

BlBLIOGRAPHIE Les Œuvres poéti ques complètes (I et TI) d'Alain Borne ont été publ iée s par les Ed.

Curandera (1980-1981 ).

Les pre m iè res éditions des recueils som dispersées chez Seghers.

Laffont, Gal­ l i ma rd , Roug erie , Chambelland ou Club du poème et au x Éd.

Saint-Germain-des-Prés.

On co nsu lte ra le n• 25 de la revue Poé sie /, qui est entière­ ment consacré à Alain Borne, et on lira l'érude de Pau l Vincen­ sini, parue dans la co llecti o n «Poète s d'a ujo urd 'h ui >>, chez Seghers.

Voir aussi le n• 56-57 de la revue Sud (1985).

L.

PINHAS. »

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