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Article de presse: Les grèves de 1947 et la naissance de FO

Publié le 22/02/2012

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19 décembre 1947 - L'année 1947 marque un tournant dans l'histoire du mouvement ouvrier en France. Pour la troisième fois depuis sa création, la vieille CGT a été confrontée à une scission, après celles de 1921 et de 1939. En 1945, lorsque Léon Jouhaux revient de captivité pour partager le pouvoir, à la tête d'une CGT réunifiée par la vertu des accords du Perreux de 1943, avec Benoît Frachon, l'élan de la " reconstruction " favorise l'essor du syndicalisme. En septembre 1945, la CGT revendique 5 454 000 adhérents, mais les germes de la division n'ont pas pour autant disparu. Au congrès de 1946, le tandem Frachon-Jouhaux est reconduit, mais le membre du bureau politique du PC est bel et bien devenu l'homme fort d'une centrale où les " opposants " ne représentent plus que le tiers du comité confédéral national. Difficulté supplémentaire, les opposants sont divisés entre eux. Il y a tout d'abord ceux qui, autour de l'hebdomadaire Force ouvrière (précédemment Résistance ouvrière), entendent lutter contre l' " emprise politique " du PC. En septembre 1946, ils s'organisent en tendance avec les groupes FO. Les syndicalistes " révolutionnaires " se retrouvent dans le Comité d'études techniques, économiques et sociales. La minorité trotskiste fait bande à part. Au début de l'année 1947, le gouvernement de Paul Ramadier, fondé sur un tripartisme-socialistes, communistes, MRP-que soutient la CGT, mène une politique de déflation des prix. L'heure est à l'austérité. Les 14 et 15 janvier, la CGT réunit son comité confédéral national. Benoît Frachon réclame une augmentation générale des salaires avec la fixation d'un minimum vital de 7 000 F par mois. Mais l'heure n'est pas à l'action. Devant les responsables de fédérations et d'unions départementales de la CGT, Benoît Frachon déclare : " Nous avons beau être près de six millions de syndiqués à la CGT, il y a quarante millions d'habitants en France et il y a d'autres couches de la population que la classe ouvrière. Et nous savons bien, par de douloureuses expériences, que, quand la classe ouvrière lutte seule contre le reste de la population, elle est régulièrement battue. " Le 6 février, le bureau politique du Parti communiste vient à la rescousse du syndicat en affirmant qu' " il n'y a aucune contradiction entre la campagne pour la baisse des prix et l'attribution d'un salaire minimum vital aux travailleurs ". En clair, on peut être un parti de gouvernement et partager les revendications cégétistes. Dans l'après-midi du 25 avril, les ateliers 6 et 18 de Boulogne-Billancourt cessent le travail, en dépit de l'avis de leurs délégués syndicaux, pour obtenir une augmentation horaire de 10 F. La CGT freine. Mais un comité de grève prend la direction des opérations, appelle à l'extension du mouvement et mobilise le 29 avril dix mille grévistes. La CGT flotte. Elle somme la direction d'engager des négociations et invite les ouvriers à reprendre le travail en attendant leur issue. Elle n'est pas écoutée. La machine s'emballe. La CGT soutient la revendication des grévistes. Le bureau politique du PC accorde un " appui sans réserve " le 30 avril, les quatre ministres communistes cessant le même jour de faire leur la politique de blocage des salaires. Auparavant, aux élections du 24 avril aux cent vingt-quatre caisses de Sécurité sociale, la CGT, avec 59,27 %, n'obtenait pas un score à la mesure de ses espérances. Au soir du 1er mai, c'est la crise ouverte. Les ministres communistes prononcent l'éloge funèbre de la politique de déflation de Léon Blum. Ramadier pose la question de confiance. Les cent quatre-vingt-six députés communistes-parmi lesquels trois ministres-refusent de la voter. Le quatrième ministre, le sénateur Marrane, démissionne après que Ramadier se fût séparé de ses trois collègues. La France retient son souffle, inquiète quant aux conséquences sociales de cette rupture, mais Jacques Duclos, bonhomme, entonne l'air de l'apaisement en déclarant au New York Herald du 8 mai : " Les gens qui parlent de grève générale en France sont des imbéciles. " Le 16 mai, le conflit prend fin à Renault-Billancourt. Le 23 mai, le ministre du travail fait quelques concessions salariales. Des mouvements ponctuels de grèves continuent de se développer ici et là sans prendre la forme d'une offensive générale. Le gouvernement s'en inquiète. Et Paul Ramadier hausse le ton. Au même moment, sur le plan international, le changement de paysage se précise. Dans un discours prononcé le 5 juin à l'université Harvard, George Marshall, secrétaire d'Etat américain, suggère la mise en oeuvre d'un plan d'aide économique à l'Europe. Les communistes ne sont pas longs à dénoncer le " plan Marshall ". Léon Jouhaux adopte une position plus modérée (ou plus hésitante) en écrivant le 24 juillet : " Evidemment, le plan Marshall peut offrir une base positive à la reconstruction d'une Europe unie, à condition cependant que l'on sache exactement ce qu'il veut dire et à quoi il tend. Si le plan Marshall ne devait être qu'une amorce permettant la reconstruction de l'Allemagne avant toutes les nations ruinées par elle, il devrait être combattu. " Parallèlement, les grèves se poursuivent-notamment dans les chemins de fer et les banques,-avec en cours de chemin quelques divorces. Le 26 juillet, à la SNCF, des syndicats de cheminots constituent une organisation autonome. Dans la métallurgie et à la RATP, d'autre syndicats autonomes apparaissent. Le 1er août, la CGT et le CNPF se mettent d'accord, dans une déclaration commune, sur une revalorisation de 11 % des salaires, mais le gouvernement refuse d'avaliser cette entente. L'insuffisance du ravitaillement et la récente diminution de la ration de pain aidant, le mouvement revendicatif repart dès la rentrée de septembre, notamment chez Peugeot. Latente, la crise de la CGT va devenir ouverte en novembre. Le 8 novembre, et pour la première fois, les groupes FO tiennent une conférence nationale qui réunit salle Lancry deux cent cinquante délégués. Léon Jouhaux et trois autres membres du bureau confédéral sont présents (Robert Bothereau, Neumeyer et Delamarre). Ceux-ci obtiennent 80 % des voix sur la poursuite de la stratégie du " redressement " de la CGT par l'intérieur, invitant même les militants qui l'ont quittée à revenir : " La conférence des groupes FO, dit le texte, affirme que l'unité est plus que jamais nécessaire. La force du mouvement syndical réside essentiellement dans le nombre et la cohésion du nombre. Mais cette unité et cette cohésion exigent à l'intérieur de l'organisation la pratique constante des règles d'une véritable démocratie et de la plus fraternelle tolérance. " Changement de climat quatre jours plus tard, le 12 novembre, au comité confédéral national de la CGT. Pour faire triompher sa revendication d'un minimum vital à 10 800 F par mois mise en avant par Benoît Frachon et la majorité, il est proposé de lancer un " manifeste aux travailleurs de France ". Il s'agit de consulter sur les lieux de travail tous les travailleurs, syndiqués ou non à la CGT, sur ces revendications. Les minoritaires s'insurgent, parlent de " caricature de consultation démocratique " et demandent que seuls les adhérents soient consultés au suffrage universel et secret. Pour protester solennellement, Léon Jouhaux lit un texte comportant trente-huit signatures, avec notamment celles des membres du bureau confédéral " appartenant " à sa tendance, quatorze unions départementales et neuf fédérations, dont celles de l'éducation nationale et du Livre. La cohabitation apparaît plus que compromise. La rupture est devenue inévitable. Dès lors, un climat d'agitation sociale va se développer. Des grèves éclatent dans les mines du Nord et dans la métallurgie parisienne. Les conflits se multiplient, en dépit souvent des groupes Force ouvrière qui, avec les syndicats autonomes et la CFTC, demandent des votes à bulletins secrets et envoient des délégations au ministère du travail contre les " atteintes à la liberté du travail ". Au sein du gouvernement, la question salariale constitue une pomme de discorde. La crise politique s'ajoute à la crise sociale. Du 19 au 24 novembre il y a, de fait, une vacance du pouvoir. Dans les PTT, à la SNCF, dans les mines et les ports, on enregistre de nombreuses grèves avec des affrontements parfois physiques entre grévistes et non-grévistes. Le 26 novembre, le gouvernement de Robert Schuman, nouveau président du conseil, lâche du lest avec une indemnité exceptionnelle de vie chère de 1500 F. La CGT reste inflexible et les secrétaires de dix-huit fédérations à direction communiste appellent les salariés à une généralisation de la grève. Le 27 novembre, la paralysie est quasi totale dans les mines, les ports, la métallurgie, le bâtiment, le textile, les industries chimiques et alimentaires, et on compte environ deux millions de grévistes. La CGT se radicalise et, le 28 novembre, vingt fédérations ouvrières à direction communiste se constituent en " comité central de grève ", assurant la coordination quotidienne du mouvement. Dès lors, c'est l'escalade. Le gouvernement de Robert Schuman manie la carotte et le bâton; d'un côté, il majore les allocations familiales et exonère l'indemnité de vie chère de toute retenue sociale; de l'autre, il rappelle des hommes du contingent. La presse de l'époque relève alors toute une série de " sabotages ". Près d'Arras, le train Paris-Tourcoing déraille dans la nuit du 2 au 3 décembre. Il y a seize morts. Des bagarres éclatent lors de l'évacuation des mines du Nord. Ici et là, on signale des émeutes et, le 4 décembre à Valence, la prise d'assaut de la gare entraîne la mort de deux manifestants. Tandis que les groupes Force ouvrière et des syndicats CFTC discutent avec le ministre du travail, Daniel Mayer, le gouvernement renforce encore les unités chargées du maintien de l'ordre. Le 7 décembre, Daniel Mayer reçoit le bureau confédéral de la CGT au complet. Le ministre lui demande d'appeler à la reprise du travail, mais la CGT réplique le 8 décembre par une consigne simple et ferme : " tenir et vaincre ". Le lendemain de cet appel à la résistance, alors que le mouvement de grève a tendance à s'essouffler, la CGT fait volte-face et donne l'ordre d'une reprise générale du travail. A ce stade, l'affrontement à l'intérieur de la CGT redouble d'intensité. Les majoritaires accusent les groupes FO de " trahison ". Ces derniers dénoncent l' " aventure sans issue " dans laquelle la majorité de la CGT s'est engagée. Le 18 décembre, la conférence nationale des groupes FO délibère des conséquences de ce divorce. Selon le Monde, Léon Jouhaux renouvelle les avertissements sur " les inconvénients d'un départ qui laisserait l'appareil syndical en place aux mains de l'autre tendance et pouvant affaiblir le mouvement ouvrier ". Mais, le 19 décembre, le pas est sauté. C'est la scission. La résolution décidant le départ de la CGT est votée parmi les groupes fédéraux par 5 votes pour, 2 contre (bâtiment et éducation nationale) et une abstention (le Livre) et parmi les unions départementales par 37 pour, 4 contre et 12 abstentions. La résolution invite tous les militants à " constituer sans délai une organisation sur le plan des syndicats, des unions départementales et des fédérations professionnelles " qui sera " la véritable Confédération générale du travail, déterminant elle-même et elle seule son action librement et démocratiquement ". A la suite de cette décision, Léon Jouhaux, Robert Bothereau, Albert Bouzanquet, Georges Delamarre et Pierre Neumeyer vont présenter leur démission du bureau confédéral à Benoît Frachon. FO, qui ne tiendra son congrès constitutif qu'en 1948, loge provisoirement rue Mademoiselle, et Léon Jouhaux, futur président, confie au Monde : " La scission est une chose grave. Elle ne laisse pas de compromettre les intérêts de la classe ouvrière en même temps que ceux du pays. " Mais ajoute-t-il, " il m'est difficile de ne pas rester au milieu de mes amis ". La CGT voit dans cette scission la main des Etats-Unis. On a parlé par la suite des fonds de... la CIA. De fait, George Meany, alors président de l'AFL, a reconnu le 12 décembre 1952 que " c'est avec l'argent des ouvriers américains, de l'argent des ouvriers de Detroit et d'ailleurs, qu'il nous a été possible d'opérer la scission très importante pour nous tous de la CGT en créant le syndicat ami Force ouvrière. (...) Cela a été fait avec des fonds de l'AFL, je n'en ai pas honte, j'en suis fier ". Une telle aide, si elle ne peut être niée, ne doit pas davantage être majorée ni entretenir des légendes. Si le CIO partageait les sentiments de prudence de Jouhaux, l'AFL a accordé des prêts à FO " qui n'ont pas donné lieu à remboursement ", cette aide à des fédérations de FO naissantes s'ajoutant à celles de syndicats belges, anglais ou suisses. Jouhaux avait clairement recommandé de n'accepter que des capitaux provenant de la " solidarité ouvrière ".

« RATP, d'autre syndicats autonomes apparaissent. Le 1 er août, la CGT et le CNPF se mettent d'accord, dans une déclaration commune, sur une revalorisation de 11 % des salaires, mais le gouvernement refuse d'avaliser cette entente.

L'insuffisance du ravitaillement et la récente diminution de la rationde pain aidant, le mouvement revendicatif repart dès la rentrée de septembre, notamment chez Peugeot.

Latente, la crise de laCGT va devenir ouverte en novembre. Le 8 novembre, et pour la première fois, les groupes FO tiennent une conférence nationale qui réunit salle Lancry deux centcinquante délégués.

Léon Jouhaux et trois autres membres du bureau confédéral sont présents (Robert Bothereau, Neumeyer etDelamarre).

Ceux-ci obtiennent 80 % des voix sur la poursuite de la stratégie du " redressement " de la CGT par l'intérieur,invitant même les militants qui l'ont quittée à revenir : " La conférence des groupes FO, dit le texte, affirme que l'unité est plus quejamais nécessaire.

La force du mouvement syndical réside essentiellement dans le nombre et la cohésion du nombre.

Mais cetteunité et cette cohésion exigent à l'intérieur de l'organisation la pratique constante des règles d'une véritable démocratie et de laplus fraternelle tolérance.

" Changement de climat quatre jours plus tard, le 12 novembre, au comité confédéral national de laCGT.

Pour faire triompher sa revendication d'un minimum vital à 10 800 F par mois mise en avant par Benoît Frachon et lamajorité, il est proposé de lancer un " manifeste aux travailleurs de France ".

Il s'agit de consulter sur les lieux de travail tous lestravailleurs, syndiqués ou non à la CGT, sur ces revendications.

Les minoritaires s'insurgent, parlent de " caricature deconsultation démocratique " et demandent que seuls les adhérents soient consultés au suffrage universel et secret.

Pour protestersolennellement, Léon Jouhaux lit un texte comportant trente-huit signatures, avec notamment celles des membres du bureauconfédéral " appartenant " à sa tendance, quatorze unions départementales et neuf fédérations, dont celles de l'éducation nationaleet du Livre.

La cohabitation apparaît plus que compromise.

La rupture est devenue inévitable. Dès lors, un climat d'agitation sociale va se développer.

Des grèves éclatent dans les mines du Nord et dans la métallurgieparisienne.

Les conflits se multiplient, en dépit souvent des groupes Force ouvrière qui, avec les syndicats autonomes et la CFTC,demandent des votes à bulletins secrets et envoient des délégations au ministère du travail contre les " atteintes à la liberté dutravail ".

Au sein du gouvernement, la question salariale constitue une pomme de discorde. La crise politique s'ajoute à la crise sociale.

Du 19 au 24 novembre il y a, de fait, une vacance du pouvoir.

Dans les PTT, à laSNCF, dans les mines et les ports, on enregistre de nombreuses grèves avec des affrontements parfois physiques entre grévisteset non-grévistes. Le 26 novembre, le gouvernement de Robert Schuman, nouveau président du conseil, lâche du lest avec une indemnitéexceptionnelle de vie chère de 1500 F.

La CGT reste inflexible et les secrétaires de dix-huit fédérations à direction communisteappellent les salariés à une généralisation de la grève.

Le 27 novembre, la paralysie est quasi totale dans les mines, les ports, lamétallurgie, le bâtiment, le textile, les industries chimiques et alimentaires, et on compte environ deux millions de grévistes.

LaCGT se radicalise et, le 28 novembre, vingt fédérations ouvrières à direction communiste se constituent en " comité central degrève ", assurant la coordination quotidienne du mouvement.

Dès lors, c'est l'escalade.

Le gouvernement de Robert Schumanmanie la carotte et le bâton; d'un côté, il majore les allocations familiales et exonère l'indemnité de vie chère de toute retenuesociale; de l'autre, il rappelle des hommes du contingent. La presse de l'époque relève alors toute une série de " sabotages ". Près d'Arras, le train Paris-Tourcoing déraille dans la nuit du 2 au 3 décembre.

Il y a seize morts.

Des bagarres éclatent lors del'évacuation des mines du Nord.

Ici et là, on signale des émeutes et, le 4 décembre à Valence, la prise d'assaut de la gare entraînela mort de deux manifestants.

Tandis que les groupes Force ouvrière et des syndicats CFTC discutent avec le ministre du travail,Daniel Mayer, le gouvernement renforce encore les unités chargées du maintien de l'ordre.

Le 7 décembre, Daniel Mayer reçoitle bureau confédéral de la CGT au complet.

Le ministre lui demande d'appeler à la reprise du travail, mais la CGT réplique le 8décembre par une consigne simple et ferme : " tenir et vaincre ". Le lendemain de cet appel à la résistance, alors que le mouvement de grève a tendance à s'essouffler, la CGT fait volte-face etdonne l'ordre d'une reprise générale du travail.

A ce stade, l'affrontement à l'intérieur de la CGT redouble d'intensité.

Lesmajoritaires accusent les groupes FO de " trahison ".

Ces derniers dénoncent l' " aventure sans issue " dans laquelle la majorité dela CGT s'est engagée.

Le 18 décembre, la conférence nationale des groupes FO délibère des conséquences de ce divorce.

Selonle Monde, Léon Jouhaux renouvelle les avertissements sur " les inconvénients d'un départ qui laisserait l'appareil syndical en placeaux mains de l'autre tendance et pouvant affaiblir le mouvement ouvrier ".

Mais, le 19 décembre, le pas est sauté.

C'est lascission.

La résolution décidant le départ de la CGT est votée parmi les groupes fédéraux par 5 votes pour, 2 contre (bâtiment etéducation nationale) et une abstention (le Livre) et parmi les unions départementales par 37 pour, 4 contre et 12 abstentions.

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