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ARTICLE DE PRESSE: Les gains du Front national

Publié le 17/01/2022

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18 juin 1995 - Les Résultats des élections municipales sont assez nuancés pour que chacun ou presque, du Parti socialiste au Front national, puisse y trouver motif à satisfaction. L'un des principaux enjeux du scrutin de dimanche était évidemment le comportement du Front national. De ce point de vue, le parti de Jean-Marie Le Pen enregistre, lui aussi, des résultats contrastés : il ne parvient à emporter ni Vitrolles, ni Noyon, ni Dreux, qui faisaient partie de ses cibles privilégiées. Mais il a de quoi se consoler avec le gain de Toulon, ville de plus de cent mille habitants, de Marignane, ville de plus de trente mille habitants, ou d'Orange sans même parler de Nice, où le dissident du Front national Jacques Peyrat arrache la mairie au RPR. Enfin, selon les estimations de Jean-Marie Le Pen, l'extrême droite triple le nombre de ses conseillers municipaux, ce qui n'est pas une mince victoire. En outre, ses électeurs lui sont restés fidèles d'un tour à l'autre. Il a même enregistré, par endroits, des gains : ses défaites sont le fruit du sursaut des abstentionnistes, notamment de gauche, du premier tour, qui se sont mobilisés dimanche. C'est une confirmation que l'abstention du premier tour constituait pour une bonne part une sorte de " non-vote " sanction, ou d'avertissement, à l'égard des élus sortants. La preuve est également apportée que le Front national a son propre électorat, qui ne veut pas seulement envoyer des signaux à la classe politique, mais souhaite que le programme municipal du parti d'extrême droite soit appliqué. Autre conséquence de l'implantation du Front national : lorsqu'il a choisi de se maintenir, dans des triangulaires ou des quadrangualaires, sa présence coûte souvent la majorité à la droite : ainsi en Ile-de-France, parmi les villes de plus de trente mille habitants, Chelles bascule à gauche au profit du socialiste Jean-Paul Planchou, alors que le total droite-extrême droite aurait dépassé les 55 %. Cas similaire à Noisy-le-Grand ou Villepinte. C'est aussi de cette manière que le PCF sauve Choisy-Le-Roi dans le Val-de-Marne. Dans les villes de plus de cent mille habitants, la présence de l'extrême droite sert la gauche à Lille, Aix-en-Provence. En revanche, Jean-Marie Bockel, qui avait remporté Mulhouse grâce à une " triangulaire ", a renforcé son assise : dans une situation similaire, il obtient aujourd'hui plus de 53 % des voix. De même à Rouen, le socialiste Yvon Robert, lui aussi confronté à une triangulaire, arrache la ville à l'UDF en obtenant de peu la majorité absolue tandis qu'à Blois, dans la même situation, Jack Lang dépasse les 56 %. Face au danger du Front national, plusieurs candidats de gauche s'étaient retirés. En dehors de Mulhouse, où l'UDF avait fusionné avec la liste de Jean-Marie Bockel, aucun candidat de droite n'avait fait de même. Mais l'ironie du sort a voulu que la seule ville de plus de cent mille habitants emportée par l'extrême droite soit celle (Toulon) où le candidat socialiste s'était maintenu avec, il est vrai, le soutien à peine voilé du dissident Louis Colombani (UDF-PR) pour faire barrage au candidat Front national. Les socialistes risquent de perdre ainsi le bénéfice moral qu'ils pouvaient espérer retirer de leur attitude dans d'autres villes. Quant aux " affaires ", après les indications du premier tour, la réélection de Jacques Mellick (PS) à Béthune (Pas-de-Calais), comme celle de Michel Mouillot (UDF) à Cannes, montre que les électeurs ne tiennent pas forcément rigueur à leurs élus de leurs démêlés avec la justice. Encore que cette constatation soit à nuancer avec l'exemple de Grenoble, où l'affaire Carignon a servi la gauche, ou celui de Toulon, où la compromission d'élus du Var dans diverses " affaires " a dû contribuer à la victoire de l'extrême droite. JEAN-LOUIS ANDREANI, MARTINE VALO Le Monde du 20 juin 1995

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