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Article de presse: La mort de Léon Blum

Publié le 22/02/2012

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blum
30 mars 1950 - La mort de Léon Blum creuse un vide profond dans notre vie politique. Elle atteint dangereusement son parti et le socialisme français. Sans doute le " patriarche de Jouy-en-Josas " n'avait-il plus de rôle actif dans la mêlée quotidienne. Mais son influence restait considérable : ses avis, ses conseils étaient demandés avec déférence par de hauts personnages de l'Etat, et pas seulement par ses amis. C'est à lui sans doute que l'on doit le maintien du parti SFIO dans la majorité actuelle. Il semble que dans ces derniers temps surtout Léon Blum se soit efforcé de concilier et d'apaiser. L'histoire lui saura gré d'avoir été depuis Jaurès le représentant d'un socialisme plus réaliste à la fois et plus humain, d'un socialisme, comme il l'a écrit lui-même, ramené " à l'échelle humaine ". Mais a-t-il réussi dans sa tâche ? Il serait difficile de l'affirmer, il serait injuste de le nier tout à fait. Cette tâche était, il est vrai, infiniment délicate. Jaurès avait dirigé un parti d' " opposition irréductible " à notre organisation sociale. Léon Blum a pris sa charge des mains du grand orateur au moment où le socialisme trouvait à sa gauche un parti nouveau qui prétendait réaliser le même idéal. Casqué, botté, militarisé, le communisme imposait la dictature révolutionnaire, qui ne diffère pas des autres, à une grande nation prolétarisée. Il fallait dès lors opposer un humanisme social à cette conception inhumaine. Léon Blum l'a compris, mais peut-être trop tard. De là son échec. Mais cet homme s'en va au moment où dans les pays d'Occident, et sans en excepter les plus empreints de libéralisme, le programme du socialisme réalisable sans porter atteinte à la liberté personnelle s'est réalisé largement. Toutes ces nations occidentales sont imprégnées, fût-ce inconsciemment, de ce socialisme humanisé qui se développe et s'étend sans cesse. Voilà ce que nous pourrions appeler la victoire des conceptions de Léon Blum. Ce chef socialiste n'a pu cependant mener à son achèvement la tâche entreprise. Son parti s'est affaibli et a perdu beaucoup de substance parce qu'il n'a pas su adapter son action politique à cette lente réalisation de son idéal. Il a été repris par ses démons idéologiques et n'a pu devenir le grand parti de l'humanisme social qu'il aurait pu être, et que Léon Blum sans doute aurait voulu. Lui-même a dû renoncer à conduire le socialisme dans ces voies nouvelles. Il a été sur ce plan un velléitaire. La " révolution " était dans les faits; le parti socialiste restait cependant paralysé dans son formalisme ancien et souvent vide. Les adversaires de Léon Blum lui reprocheront de s'être trompé. Il s'est trompé parfois, mais parce qu'il avait gardé une foi profonde dans la nature humaine. Il n'avait pas voulu croire au triomphe du nazisme; il avait gardé ce pacifisme profond qui était en lui. Léon Blum était un grand idéaliste. Il lui a manqué sans doute ce magnétisme que dégagent les entraîneurs de foules. Orateur lucide, un peu précieux, il savait convaincre, mais l'esprit était plus touché que le coeur. Il y avait en lui trop d'intellectualisme. Les masses qu'emportait Jaurès dans la tempête de l'éloquence ne le suivaient plus guère. Personne ne contestera son talent, sa finesse, une sagesse politique enseignée par une dure expérience. Personne ne doutera de sa bonne foi, de son amour de l'humanité. Il a rendu à la démocratie le grand service de lui montrer la route d'un large humanisme social qui seul pourrait la sauver de la barbarie. Il n'a pas été assez suivi, et peut-être a-t-il goûté au cours de ces dernières années l'amertume des désillusions.

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