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Article de presse: L'ancien dictateur Hugo Banzer a été élu président de la République bolivienne

Publié le 17/01/2022

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5 août 1997 - Le général Hugo Banzer est devenu, le 5 août 1997, le premier ex-dictateur latino-américain à revenir démocratiquement au pouvoir. Il a été élu au second tour de scrutin par une majorité des 157 membres du Congrès bicaméral 27 sénateurs et 130 députés élus lors des élections générales du 1er juin. Il succède au libéral Gonzalo Sanchez de Lozada. "Je suis un type bien." Ce cri du coeur lâché par le général Banzer, en pleine campagne électorale, au mois de mai, répondait aux incessantes questions sur le passé de dictateur de l'homme qui a dirigé, d'une main de fer, la Bolivie de 1971 à 1978. Il traduisait, au terme d'une campagne violemment polémique en Bolivie, toute sa lassitude face à une image indélébile. Pourtant, mardi 5 août, à l'âge de soixante et onze ans et à sa sixième tentative, Hugo Banzer a été élu au second tour par le Congrès bolivien président de la République du pays andin, dont les sept millions d'habitants comptent parmi les plus pauvres du continent américain. L'histoire du général Banzer tient autant de la rédemption que de l'acharnement à prouver, depuis dix-neuf ans, son attachement à la démocratie. Après avoir organisé des élections et quitté le pouvoir en 1978, à l'issue de l'échec de son candidat, il fonde son parti, l'Action démocratique nationaliste (ADN), en 1979. Et depuis cette date, il n'a eu de cesse de reconquérir le pouvoir par les urnes. Ses proches n'insistent pas outre mesure mais préfèrent utiliser l'expression "dirigeant de facto" pour évoquer cette période où le Parlement, les syndicats et les partis d'opposition étaient interdits. Selon eux, l'expression "ancien dictateur" résonne comme un rappel du passé qui ne dit pas tout des réalités qui furent celles du pays à cette époque. Elle donne, disent-ils, une vision erronée de l'homme "populaire et progressiste" qu'ils décrivent à loisir. "Je sais que j'ai une mauvaise image, en particulier en Europe", déplore Hugo Banzer, qui paie, outre la consonance germanique de son patronyme, le prix de son appartenance au club très restreint des dictateurs qui ont dirigé un pays du continent sud-américain il y a deux décennies : Juan Maria Bordaberry en Uruguay, Alfredo Stroessner au Paraguay, Rafael Videla en Argentine, Ernesto Geisel au Brésil et Augusto Pinochet au Chili. L'avènement d'une dictature, avec à sa tête Hugo Banzer, tient plus, en fait, à la démission du pouvoir civil, en 1971, quand le Mouvement national révolutionnaire (MNR) et la Phalange socialiste (FSB), les deux partis dominants de l'époque, ont demandé au "plus prestigieux militaire", alors en poste à l'étranger, de rentrer et de se joindre à eux pour régler les problèmes qu'ils étaient incapables de résoudre", explique José Gramunt, un analyste de la vie politique bolivienne. Ce sont eux "qui sont à l'origine de cette union entre le pouvoir civil et l'armée pour organiser le gouvernement et, de facto, le général est resté le seul survivant de ce mariage morganatique", explique-t-il. "Conjuration politique" Sous le gouvernement du général Torres, "la Bolivie avait atteint en 1971, ajoute-t-il, un état de désorganisation totale. La puissante forteresse syndicale, la COB, codirigeait le pays dans un mélange de conseils ouvriers qui refusait toute légitimité au Parlement. Le pays tanguait au bord du chaos et la gauche de l'époque ne pensait le changement qu'en termes de violence radicale." Cette analyse est partagée par l'historien bolivien Carlos D. Mesa Gisbert, pour qui le pays "était arrivé, en 1971, à une polarisation qui avait divisé la société en deux de manière irréconciliable." Dans sa petite cellule de la prison de San Pedro, au centre de La Paz, Oscar Eid, secrétaire général et cofondateur du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), deuxième force politique du pays et principal allié d'Hugo Banzer, dénonce "la conjuration politique" qui, sous l'inculpation de connection avec les narcotrafiquants, l'a renvoyé là-même où le général Banzer l'avait expédié en 1973, avant de l'expulser vers la France, comme de nombreux opposants. Tout en se souvenant de ces "années dures", il se transforme sans effort en un défenseur sans réserve du général. Le MIR est né, raconte-t-il, en septembre 1971 de la volonté de résister à la dictature, et il n'est devenu "une alternative démocratique qu'à partir du jour où Hugo Banzer, qui avait pris contact avec nous, a accepté de jouer le jeu en organisant des élections libres en 1978". Oscar Eid rejette l'idée selon laquelle le pays "a voté Banzer en raison d'une amnésie profonde". Selon lui, l'amnésie, c'est de ne pas se souvenir qu'il est à l'origine du changement dans le pays et que son soutien à la démocratie, depuis cette date, est sans faille. Le général Banzer a, en effet, dans le cadre d'une coalition appuyée par le MIR, permis l'élection à la présidence de Jaime Paz Zamora, en 1989. "Je ne regrette en rien ma décision, il y a vingt-cinq ans. Dans les conditions qui étaient celles de mon pays, je le referai. J'ai aujourd'hui le même poids de la responsabilité que j'avais alors. Au-delà de ce que l'on peut dire de moi, je suis avant tout un conciliateur et c'est dans cet esprit que je vais gouverner le pays", affirme le nouveau président. Il précise qu'il va prendre contact avec les dirigeants cocaleros (les paysans de la coca) pour étudier avec eux comment en finir avec la violence et les affrontements dans le Chiapare. Tout en rendant hommage au général Banzer, qui "a changé, depuis les années de la dictature", Juan Carlos Duran, son rival malheureux du MNR à l'élection présidentielle, dénonce l'utilisation faite par l'ADN du thème de la pauvreté sur un registre populiste. Il avance que la "coalition qui l'a porté au pouvoir est un ensemble hétéroclite qui va de la gauche à l'extrême droite" et qu'elle ne résistera pas aux réalités de la gestion et aux défis que doit relever le pays. Il pense que le général Banzer a commis une erreur en promettant ce qu'il ne pourra pas tenir car, selon lui, "la force de la Bolivie, c'est de s'être engagée dans des réformes structurelles profondes et des accords internationaux que le général ne peut pas remettre en cause". Le général Banzer s'est, au-delà du slogan populaire de sa campagne "Du pain, un toit et du travail", plus engagé "à humaniser les conséquences des réformes libérales appliquées dans le pays depuis quatre ans" qu'à les suspendre; les mesures d'ajustement qu'il préconise ne semblent pas de nature à revenir sur les transformations réalisées depuis quatre ans. C'est d'ailleurs ce que pense Simon Reyes, dirigeant du Parti communiste bolivien et l'un des anciens chefs de la centrale syndicale, la COB. "Mon pays, dit-il, est une usine à fabriquer des pauvres, et la nouvelle coalition dirigée par Hugo Banzer ne changera rien à cette réalité. Mon pays sera toujours un royaume de misère, avec ces gens-là." "Un gamin" Il n'opère aucune différence entre ceux qui ont été au pouvoir pendant quatre ans et ceux qui vont les remplacer. Pour lui, il est clair que l'ADN et les trois partis qui soutiennent le général ne remettent nullement en cause les grandes réformes libérales du président sortant. "Oui, ajoute-t-il, Banzer a été un dictateur", mais il ne pense pas qu'il sera moins démocrate que le président sortant. "Un gamin, s'écrie-t-il. Quand Gonzalo Sanchez de Lozada [le prédécesseur de M. Banzer] est arrivé au pouvoir, on s'est dit : ``Tiens, c'est un gamin``. Et pourtant, les quatre années de sa présidence resteront comme les plus dures que celles que la Bolivie a connues depuis longtemps." Et il cite les vingt-neuf morts suite à différents conflits dans les mines et avec les paysans de la coca. La cohésion de l'alliance réunie par le général Banzer n'est pas un problème pour la candidate du parti populiste indigéniste La Conscience de la patrie (Condepa), Remedios Loza, qui, pour la première fois, va participer au pouvoir. Elle juge que les gouvernements précédents n'ont pensé qu'à leur intérêt et elle attend de son alliance avec l'ADN une "flexibilisation du modèle mis en place". Elle croit à la sincérité de M. Banzer, "parce qu'il a donné des gages à la démocratie et qu'il cherche sincèrement l'unité la plus large du pays". Elle assure que son parti le soutiendra tant qu'il respectera ses engagements : "Nous avons, dit-elle, cinq ans pour voir." ALAIN ABELLARD Le Monde du 7 août 1997
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« Tout en rendant hommage au général Banzer, qui "a changé, depuis les années de la dictature", Juan Carlos Duran, son rivalmalheureux du MNR à l'élection présidentielle, dénonce l'utilisation faite par l'ADN du thème de la pauvreté sur un registrepopuliste.

Il avance que la "coalition qui l'a porté au pouvoir est un ensemble hétéroclite qui va de la gauche à l'extrême droite" etqu'elle ne résistera pas aux réalités de la gestion et aux défis que doit relever le pays.

Il pense que le général Banzer a commis uneerreur en promettant ce qu'il ne pourra pas tenir car, selon lui, "la force de la Bolivie, c'est de s'être engagée dans des réformesstructurelles profondes et des accords internationaux que le général ne peut pas remettre en cause". Le général Banzer s'est, au-delà du slogan populaire de sa campagne "Du pain, un toit et du travail", plus engagé "à humaniserles conséquences des réformes libérales appliquées dans le pays depuis quatre ans" qu'à les suspendre; les mesures d'ajustementqu'il préconise ne semblent pas de nature à revenir sur les transformations réalisées depuis quatre ans.

C'est d'ailleurs ce quepense Simon Reyes, dirigeant du Parti communiste bolivien et l'un des anciens chefs de la centrale syndicale, la COB.

"Mon pays,dit-il, est une usine à fabriquer des pauvres, et la nouvelle coalition dirigée par Hugo Banzer ne changera rien à cette réalité.

Monpays sera toujours un royaume de misère, avec ces gens-là." "Un gamin" Il n'opère aucune différence entre ceux qui ont été au pouvoir pendant quatre ans et ceux qui vont les remplacer.

Pour lui, il estclair que l'ADN et les trois partis qui soutiennent le général ne remettent nullement en cause les grandes réformes libérales duprésident sortant.

"Oui, ajoute-t-il, Banzer a été un dictateur", mais il ne pense pas qu'il sera moins démocrate que le présidentsortant.

"Un gamin, s'écrie-t-il.

Quand Gonzalo Sanchez de Lozada [le prédécesseur de M.

Banzer] est arrivé au pouvoir, ons'est dit : ``Tiens, c'est un gamin``.

Et pourtant, les quatre années de sa présidence resteront comme les plus dures que celles quela Bolivie a connues depuis longtemps." Et il cite les vingt-neuf morts suite à différents conflits dans les mines et avec les paysansde la coca. La cohésion de l'alliance réunie par le général Banzer n'est pas un problème pour la candidate du parti populiste indigéniste LaConscience de la patrie (Condepa), Remedios Loza, qui, pour la première fois, va participer au pouvoir.

Elle juge que lesgouvernements précédents n'ont pensé qu'à leur intérêt et elle attend de son alliance avec l'ADN une "flexibilisation du modèlemis en place".

Elle croit à la sincérité de M.

Banzer, "parce qu'il a donné des gages à la démocratie et qu'il cherche sincèrementl'unité la plus large du pays".

Elle assure que son parti le soutiendra tant qu'il respectera ses engagements : "Nous avons, dit-elle,cinq ans pour voir." ALAIN ABELLARD Le Monde du 7 août 1997. »

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