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Amadis de Gaule (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Amadis de Gaule (extrait). Ce passage donne d'emblée le ton des aventures échevelées que l'on trouve dans Amadis de Gaule. Le roi Perion, surpris par l'irruption nocturne de la princesse Elisenne et de sa servante Dariolette dans sa chambre, y voit comme un signe de Dieu. Fou d'amour pour la princesse, il va en profiter pour jeter son dévolu sur elle. Le romancier mêle récit et considérations personnelles de « psychologue «, pour le plaisir et l'instruction du lecteur, conformément aux exigences de la rhétorique, pourtant ici d'inspiration baroque, de l'art classique. Amadis de Gaule (livre premier) De grand frayeur s'éveilla en sursaut, et se recommandant à Dieu, fit le signe de la croix. Déjà avaient les Damoiselles ouvert l'huis et entraient dans la chambre, pourquoi il entendit le bruit, et eut lors soupçon de trahison, mêmement pour le songe qu'il avait songé, et levant la tête, aperçut entre les courtines la porte ouverte, de laquelle il ne savait rien, puis à la clarté de la lune, entrevit l'ombre des Damoiselles qui étaient entrées. Et à cette cause, d'effroi saillit du lit, prit son épée, et s'en alla au lieu où il les avait entrevues. Mais quand Dariolette le vit si effrayé, elle parla, disant : Que sera ceci, Sire ? tirez-vous les armes contre nous qui sommes envers vous de si petite défense ? Le Roi qui aussitôt les connut, même Elisenne que tant il désirait, jeta ce qu'il tenait contre terre, et d'un manteau qui assez près de lui était, se couvrit soudainement. Lors de grande affection vint vers elle, que mieux que soi-même il aimait, laquelle il baise, embrasse, caresse, et fait si bon visage, que rien plus. Ce que voyant Dariolette, jalouse et ennuyeuse de ce bien, dit à Elisenne : Or êtes-vous quasi contente, car à ce que je puis juger, combien que jusques ici vous vous soyez défendue de plusieurs, et lui au semblable à maintes ait résisté, toutefois pour le présent, l'un ni l'autre n'avez la force ou moyen de vous savoir garantir ni défendre. Et ce disant, regardait de tous côtés en quelle part le Roi avait jeté son épée, de laquelle elle se saisit, pour témoin du serment et promesse qu'il avait faits, sur le mariage futur d'Elisenne et de lui. Puis tirant l'huis après elle, entra au jardin, et demeura le Roi seul, avec s'amie. Laquelle (après plusieurs amoureux embrassements, infinité de baisers, et exécution de jouissance) il contemplait, et bien lui fut avis que toute la beauté du monde était en elle, se réputant au demeurant plus que trop heureux, de ce que Dieu l'avait conduit à un tel aise, et bonne aventure. Voilà comment il en prit en cette princesse, qui par si longtemps, en sa fleur et plus grande jeunesse, requise de tant de hauts princes et grands seigneurs s'était défendue, pour demeurer en liberté de pucelle, en moins de temps que d'un seul jour, et à l'heure que sa fantaisie était, ce lui semblait, de ceci plus éloignée. Amour rompant les forts liens de sa sainte et chaste vie, lui fit soudain muer propos, la rendant peu après de belle fille, très belle femme, servant d'exemple à plusieurs autres, lesquelles (présumant retirer leurs pensées de choses mondaines) déprisent la grand beauté, dont nature les a douées, et cette tendre jeunesse qui les fait ignorer les plaisirs et délices qui sont en la maison de leurs parents, se rendent en religions pauvres, offrant en toute sujétion leurs libres volontés, espérant passer le temps, et à force rompre leur naturel. Certes, celles qui sont appelées à telle vie contemplative par l'effet du saint esprit sont et se doivent tenir pour bien heureuses. Mais peu en y a, et trop qui se repentent d'avoir si légèrement, ou peut-être, sans savoir ce que c'est, entrepris chose si mal aisée à forcer. Et non sans cause ai-je fait ce petit discours, c'est afin qu'il ne leur advienne comme il fit à cette princesse Elisenne, laquelle mit peine si longuement à se cuider contregarder : ce néanmoins en un seul moment, voyant la beauté et bonne grâce du Roi Perion, mua son vouloir, de telle sorte, que sans l'avis et discrétion de Dariolette, qui voulut couvrir l'honneur de sa maîtresse, sous le manteau de mariage, croyez qu'elle était au point de tomber en la plus grande et basse part de son déshonneur, ainsi qu'il est advenu à beaucoup d'autres. Source : Beaumarchais (Jean-Pierre de) et Couty (Daniel), Anthologie des littératures de langue française, Paris, Bordas, 1988. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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