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Aimé Césaire, Discours du colonialisme

Publié le 01/11/2012

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discours

Afin de mieux comprendre le discours développé par Aimé Césaire sur le colonialisme, une description succincte de l’auteur et un rappel du contexte de l’époque semble nécessaire.   Aimé Fernand David Césaire, né en Martinique le 26 juin 1913, vient en France pour étudier, agrégé de Lettres, il repart en 1939 enseigner en Martinique. Il rencontre Léopold Sédar Senghor, avec qui il sera ami jusqu'à la mort et durant ces études, il va co-fonder le journal L’Etudiant noir, et c’est de là que va naître le terme de « négritude « qui vise à désigner l'oppression culturelle de la colonisation française. En 1937, Césaire épouse Suzanne Roussi, une étudiante Martiniquaise. Avec d'autres intellectuels martiniquais, il   va fonder Tropiques en 1941 et se battre pour que la situation change. Mais durant le blocus de la Seconde guerre mondiale, les conditions de vie se dégradent, et la censure freine la jeune revue. A cette période, André Breton séjourne en Martinique et rencontre Césaire, dont il rédigera la préface. Ceci marque un rapprochement avec les surréalistes (mouvement artistique qu’André Breton définit dans le premier Manifeste du surréalisme) Césaire apparaît donc comme le « nègre fondamental «, et inspire de nombreux écrivains. En 1945, il devient maire de Fort-de-France, puis député jusqu'en 1993. En 1947, il crée avec Alioune Diop, la revue Présence africaine. L'année suivante, Sartre préface son Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache. En 1950,
Césaire publie Discours sur le colonialisme. Il fait parti du PC et en 1956 le quitte pour fonder le Parti Progressiste martiniquais en 1958. Maire de Fort-de-France jusqu'en 2001, Aimé Césaire développe une politique culturelle forte, ainsi qu'une politique de création d'emplois. Plusieurs festivals annuels sont créés, qui permettent de soutenir la culture martiniquaise et les arts populaires. En 1994, son Discours du colonialisme entre au programme du baccalauréat, ainsi que Cahier d'un retour au pays natal (écrit en 1938) Bien que détaché de la vie politique durant ses dernières années d'existence, Aimé Césaire conserve une grande influence et tout le monde le sollicite. Le 23 février 2005, il réagit à la loi prévue sur les aspects positifs de la colonisation. Il dénonce cette mesure et refuse de recevoir Nicolas Sarkozy. En mars 2006, il finit par l'accueillir, suite à l'abrogation d'un article controversé de la loi. Il déclare alors: « C'est un homme nouveau. On sent en lui une force, une volonté, des idées. C'est sur cette base-là que nous le jugerons «. Aimé Césaire décède le 17 avril 2008 à Fort-de-France, suite à des problèmes cardiaques. Sa mort provoque immédiatement de nombreuses réactions. Les hommages se multiplient, qu'il s'agisse de personnalités politiques ou du monde de la littérature. Parmi ses œuvres, nous pouvons citer La tragédie du roi Christophe publiée en 1963 et Une saison au Congo en 1966. Dans les années cinquante, l’Europe est
en difficulté. La seconde guerre mondiale a été meurtrière et a mis en lumière certains aspects de la colonisation qui étaient auparavant dissimulés. Les pays colonisés veulent leurs indépendances, c’est le cas de l’Inde qui l’obtient en 1947. La colonisation apparaît condamnée. Ce qui ne va pas sans conflits.       Le Discours sur le colonialisme est un pamphlet anticolonialiste, Césaire fait parti d'une époque où le mouvement d'émancipation des colonies française fait rage et c'est à travers ses livres et plus particulièrement le Discours sur le colonialisme que pour la première fois sera proclamée la valeur des cultures négresse.       L’auteur met en lumière et accuse, à travers son ouvrage, le colonialisme comme une action de barbarie, un pillage des civilisations colonisées, une action déshumanisante, une « machine à détruire « les civilisations. Ceci régie par une Europe bourgeoise à dominante capitaliste. Dans son œuvre, il compare rapidement la colonisation avec Hitler, il dénonce avec violence ce phénomène et remis en cause le monde occidental, mais surtout l’Europe dominante à l’époque. Il fait de nombreuses oppositions, à des territoires européens de droits et de libertés, Césaire oppose des territoires extra-européens colonisés, soumis à l'oppression et à la haine, au racisme et au fascisme. À des pratiques démocratiques et policées en Europe, il oppose des actions violentes et criminelles commises dans les colonies. Afin de démontrer ces propos,
il va utiliser de nombreux exemples et des extraits, textes majeurs de personnes qui ont une grande influence à l’époque, qui discutent de la colonisation.       Son œuvre se décompose en trois grandes parties, l’introduction, le développement et une conclusion.       Tout d’abord, il fait une courte introduction, où il déclare que l’Europe est condamnée suite à la période de colonisation, que la civilisation européenne est à la fois décadente, atteinte et moribonde : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. « Que celle-ci est « indéfendable « (p.7) Il explique que maintenant, à son époque (ici dans les années cinquante), les colonisés savent que « leur maître est faible « et ils se défendent à présent, face à la dominante puissance coloniale. Il fait référence ici à l’indépendance de l’Inde en 1947. Il développe le fait que colonisation rime avec hypocrisie, la colonisation aurait pu permettre de rapprocher les civilisations, mais pour lui ça n’a pas été le cas. C’est qui va nous démontrer dans son ouvrage. Pour démontrer l’hypothèse qu’il a soulevé et accuser la colonisation, Aimé Césaire va utiliser différents moyens et diverses techniques, notamment en donnant l’exemple de civilisations
qui ont été pour lui détruites, pillées, mais aussi en critiquant des textes majeurs qui discutent de la colonisation. Pour commencer sa critique, il compare rapidement la colonisation, dominée et administrée par la bourgeoisie qui ne connaît plus de limite dans le mal avec le capitalisme, à Hitler, au nazisme : « […] il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’un Hitler l’habite, […] « (p.12) L’Europe est pour lui, un instrument de barbarie, de déshumanisation : « Passant plus outre, je ne fais point mystère de penser qu’à l’heure actuelle, la barbarie de l’Europe occidentale est incroyablement haute, […] « (P. 24) On remarque ici que pour démontrer cette atrocité de la colonisation, il utilise un ton « forts « comme ici avec « hautement « ; et ceci est utilisé dans toute son œuvre, il veut montrer cette violence de la colonisation. Il remet en cause une colonisation qui est régie par une classe bourgeoise, comme nous l’avons explicité précédemment, une classe qui pensait avoir un pouvoir supérieur sur les autres classes et notamment sur les colonisés, les indigènes. A. Césaire utilise et cite à plusieurs reprises des discours qui expriment clairement cela. Nous pouvons citer Renan (écrivain, philologue, philosophe et historien français du 19ème s.), Jules Romains
(poète et écrivain français), Mannoni (ethnologue, philosophe et psychanalyste français du XXème s., il porte un regard original et décalé sur les rapports entre les colonisés et les colons), Césaire va beaucoup critiquer R. Caillois (écrivain, sociologue t critique littéraire français du XXème s.) Ici, nous allons donner l’exemple de Lapouge, anthropologue français au penchant nazisme qui a dit : « Je sais que je dois me croire supérieur aux pauvres Bayas de la Mambéré. Je sais que je dois avoir l’orgueil de mon sang. Lorsqu’un homme supérieur cesse de se croire supérieur, il cesse effectivement d’être supérieur…Lorsqu’une race supérieure cesse de se croire une race élue, elle cesse effectivement d’être une race élue. « (p. 27) Ce sont des discours qui choquent, qui éveillent nos propos. Tout est relié à la race blanche : « Gobineau disait : « Il n’est d’histoire que blanche « […] « (p. 52), il montre que la colonisation a une sorte de mission, a pour objectif d’universaliser les civilisations, mais elle a comme conséquence le pillage, la destruction de peuple et civilisations colonisées, en passant par la torture, la barbarie sur ces civilisations. Il y a un rapport dominant/dominé, où le rapport entre les deux est un rapport inhumain et violent, A. Césaire l’exprime bien dans cet essai : « Entre le colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris,
la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. « (p. 19) Il met l’accent sur les massacres et exactions coloniales. Aimé Césaire veut montre l’intérêt des différentes civilisations, leur importances dans le monde, dans son ouvrage, il va même dire et laisser entendre que celles-ci peuvent être supérieures aux civilisations occidentales et que l’introduction du monde occidental a eu des effets négatifs et inutiles : « […] ont souffert de l’introduction de techniques mal adaptées, des corvées, du portage, du travail forcé, de l’esclavage, … «, Césaire prône les cultures indigènes, il défend complètement ces civilisations, il en fait l’apologie. Les pays colonisés n’ont absolument pas besoins du monde occidental développé. De plus, on observe à travers des descriptions, la colère qu’Aimé Césaire a envers la bourgeoisie et ses réflexions, prenons l’exemple avec Jules Romains : « Son cerveau fonctionne à la lumière de certains appareils digestifs de type élémentaire. Il filtre. Et le filtre ne laisse passer que ce qui peut alimenter la couenne de la bonne conscience bourgeoise. « (p. 30) Il utilise une métaphore qui exprime bien sa pensée envers la classe bourgeoise. Pour lui, elle n’est que décadente. On ressent beaucoup dans sa critique cette colère qu’il a en lui, envers la classe bourgeoise, l’impérialisme, qui ont détruis en quelque sorte ses racines, ses origines, son identité.       Pour conclure, il montre que
la colonisation est un phénomène de la société moderne, qui ressemble à l’impérialisme romain, qui a lui aussi été destructeur dans le monde antique. La colonisation européenne a été dévastatrice autour d’elle, il met cela en évidence avec la notion de « vide qu’elle a fait autour d’elle « (p. 56) Ainsi, pour lui, l’Europe courrait à sa perte, à sa décadence. Face à cet impérialisme européen, à cette dominance de la classe bourgeoise, l’auteur exprime que le meilleur moyen de résorber cela, serait de faire appel à la révolution : « […] que c’est l’affaire de la Révolution […] «. (p.59) Etablir une société sans classe dominante. Aimé Césaire se fait le critique violent de l'impérialisme européen et de la mise en place d'un colonialisme destructeur. Ce que A. Césaire expose aussi, ce sont les pensées qui accompagnent cette entreprise. Ce qu'il dénonce par-dessus tout, c'est cette suffisance de la pensée européenne telle qu'elle est exprimée par ceux qui veulent asseoir sa suprématie sur les régions dites exotiques dans les domaines de la civilisation et de la culture. Ce qui surprend tout d'abord, c'est le caractère moderne des propos de l’auteur. Ceux dont il dénonçait les pensées mystificatrices et racistes ont aujourd'hui des continuateurs auxquels l'on peut rappeler le contenu de ce discours. Ce qui surprend ensuite, c'est le ton qu’il adopte pour exposer : un véritable « cri « contre l'injustice, un cri qui apparaît d'autant plus violent que les faits et
les propos racistes dénoncés sont assez insupportables. Dans son ouvrage, A. Césaire va très loin, il utilise un ton fort, « engraisse « en quelque sorte le phénomène. Un tel discours était sans doute utile pour redonner une dignité et une fierté aux colonisés ou ex-colonisés, aux peuples dominés. Mais aussi, il donne envie de changer les choses, on pourrait croire qu’il fait un appel à la Révolution des pays colonisés, que la démarche à suivre est celle de l’Inde qui a su prendre son indépendance en 1947. Mais, peut-être éblouit par sa colère envers les pays du monde occidental, ceux qui colonisent, il exprime seulement le fait que la colonisation n’a été qu’un échec, un pillage, … mais dans certains cas, on a observé des évolutions en matière de développement sanitaire, dans la santé (avec notamment l’éradication de certaines maladies), etc. Bien sur, il ne faut pas oublier ici, l’intérêt souvent primordial, de l’extraction et de l’exploitation de ressources de pays colonisés, qui ont seulement profité aux colonisateurs et non à la population et au développement du pays. De plus, on pourrait croire aussi que la forte critique de certains personnages décrit dans son discours, est une sorte de revanche, de conflits politiques, intellectuels. On peut prendre ici l’exemple de R. Caillois, qui est beaucoup cité et critiqué dans une grande partie de l’ouvrage. Ceci pourrait s’expliquer par la position de l’auteur et celle de R. Caillois, qui lui a rompu avec le mouvement
surréaliste en 1935, mouvement adhéré par Aimé Césaire. Mais il faut prendre aussi le parti politique adhéré par Césaire, qui est le parti communiste, dont nous savons qu’il se révolte face à un capitalisme et la classe bourgeoise. Cet ouvrage permet de donné un point de vue autre que celui donné par la société française, qui essaye de se dédouaner d’une colonisation qui a été en effet meurtrière, qui a fait disparaître certaines civilisations et culture,   qui est celui du colonisé. Mais il faut relever qu’Aimé Césaire a été audacieux de s’opposer à cette domination européenne. Audacieux, parce qu’on est dix ans avant les indépendances. Mais aussi banal, comme nous l’avons vu précédemment, parce que c’est déjà dans l’air du temps, la colonisation était condamnée.       La colonisation est condamnable parce que c’est une domination de peuples plus forts sur d’autres, c’est une imposition par la force armée, par des tueries et des pillages, des abus et des mises en esclavage ou diverses formes de subordination, on ne peut pas à contester cela. Mais il ne faut pas oublier que la colonisation a quand même permis des formes de développement. Ce phénomène qui est maintenant inscrit dans l’histoire pourrait « servir de leçon « et éviter de reproduire ce qui s’est passé. Mais on observe encore aujourd’hui, la main-mise, l’exploitation de certains pays en sous-développement ou en développement, et par la même occasion encore des tribus, des cultures qui disparaissent.

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